Geoffroy Mathieu explique comment il a travaillé : «Je les ai rencontrés, soit par hasard car je répondais au même moment à une commande sur l’agriculture urbaine pour la communauté d’agglomération de Roissy, soit par des rendez-vous obtenus notamment grâce à l’équipe de recherche en géographie de l’université Paris-XIII intitulée “Glanage : glaner dans les marges du capitalisme urbain”, menée par les géographes Flaminia Paddeu et Fabien Roussel, avec qui je collabore. Il y a aussi les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille.»
«Je m’intéresse à la pratique du glanage ou plus précisément à la cueillette alimentaire urbaine, certes encore marginale, parce qu’elle témoigne d’un nouvel “art de vivre sur une planète abimée” tel que l’anthropologue américaine Anna Lowenhaupt Tsing l’a défini. […] S’intéresser à ces quelques explorateurs de nos cités, qui parcourent des paysages abîmés pour bénéficier de ce que notre société a involontairement produit par la faillite de son système, c’est porter un regard critique sur le paradigme capitaliste, qui ne voit pas l’or qu’il produit lui-même dans l’écume de ses dérives. Nombre de personnes réinvestissent ces lieux – verger abandonné, friche industrielle ensauvagée regorgeant de mauve, champ intensif de pommes de terre, fin de marché, etc. – pour en retirer des moyens de subsistance alimentaire, pour lutter contre le gâchis ou simplement pour demeurer connectées à leur milieu et leur culture.»
L’artiste précise le profil des cueilleuses et cueilleurs : «On pourrait, dans les cueilleurs et cueilleuses que j’ai pu rencontrer et photographier, définir deux catégories. Ceux qui le font par besoin et parce qu’ils n’ont pas perdu les connaissances botaniques et les savoirs faire pour transformer leur cueillette pour leur alimentation ou leurs soins médicaux. Ils sont d’origine étrangère, souvent primo arrivants, ils cueillent parce qu’ils ont toujours cueilli et que cette pratique est culturellement ancrée en eux. Cela participe de leur art de vivre, de leur cuisine, de leur pharmacopée. Les autres pratiquent cette activité par conviction écologique, par engagement contre le gaspillage, pour se reconnecter avec la nature, par philosophie de vie ou par intérêt botanique. Ils se sont formés à la botanique et à l’ethnobotanique, ils agissent au sein d’association, ils sont parfois artistes ou utilisent cette pratique au sein de programme sociaux.»
Ce travail a été réalisé dans le cadre du Regards du Grand Paris #4, commande photographique nationale, Ateliers Médicis et Centre national des arts plastiques.
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