«Ce fut une journée intense. J’ai cheminé et fait corps avec la nature pendant des heures à observer l’agitation inhabituelle du massif. J’entends la sirène angoissante, je vois à travers les branches de la canopée encore intacte le ballet incessant de l’hélicoptère qui largue son eau sur les foyers en reprise dans l’envers.
Reportage
«Au fond du vallon, je sens l’humidité de la zone, je m’agenouille et j’embrasse le filet d’eau qui sort de la mousse, cela clarifie mon souffle. L’air se confond avec le goût du feu mouillé. Je sens le sol gréseux bien sec dans la pente juste avant la lisière épargnée.
«Je commence par capter ce que fut l’instantané juste après la flamme. Puis j’aborde le sujet, en mode reflex par le prisme du détail et de la miniature comme je sais le faire.
«Ces détails sont un rien face à ce que le futur nous promet. Je souffle, je sue, je sens les aiguilles de pin au sol qui amortissent mon élan, une feuille de houx blanche se distingue, l’odeur devient plus intense.
«J’ai pu atteindre la zone de désolation, le prisme de couleur se resserre. Noir, je vois noir, tout est noir, si noir. Le vert, d’habitude si présent, passé au décomposé.
«Tout est sens dessus dessous, je perds le repère. Je fais corps avec elle, blessé. Je sens sa fièvre chaude insupportable comme celle d’un enfant dans sa perte. Mon corps tout entier pleure.
«Je ne peux retenir mes larmes en voyant apparaître dans le sol noir et chaud l’ombre du Minotaure à terre.»
Images d’actualité, du quotidien, d’art ou grands noms de l’histoire de la photographie… Retrouvez dans la rubrique «En images» du site de Libération les choix du service photo du journal, qui privilégie les écritures singulières, innovantes ou étonnantes. Et parce que c’est depuis toujours une préoccupation de Libération, découvrez également nos pages Images dans l’édition du week-end.