Les fêtes de Noël approchent et vous êtes à l’affût d’idées cadeaux ? Retrouvez les recommandations de Libé ici.
En 1998, Pulp décochait son chef-d’œuvre d’album, le majestueusement dépressif This is Hardcore, avec sur sa pochette une figure de proue ambiguë : l’image d’une jeune femme blême au regard vide, allongée nue sur un pouf en cuir écarlate. Est-elle vivante ? Est-ce misogyne ? Est-ce bien raisonnable ? C’est «hardcore», énonce le titre, en police Helvetica impitoyable. «Hardcore» comme «noyau dur», pour creuser les apparences et trouver le ver dans le fruit. «Hardcore» pour la pornographie bien sûr, «parce que ça semblait être une métaphore raisonnable pour le succès», notait à l’époque Jarvis Cocker. «On rêve d’être une pop star et, comme beaucoup de choses, quand on l’obtient, ce n’est pas du tout ce que l’on croit.» Hardcore, The Cinematic World of Pulp documente cette période de gueule de bois du groupe (la gloire, oui, mais pour quoi faire ?) à travers l’univers visuel de l’album. Cocker, le légendaire directeur artistique Peter Saville (responsable des pochettes de Joy Division et New Order entre autres), le peintre John Currin (connu pour ses toiles plus porno kitsch que porno chic), le photographe Horst Diekgerdes et la styliste Camille Bidault-Waddington y ont fomenté un style où les années 90 rêvent des années 70, où le glamour est hanté par le malaise, où l’on passerait des heures à analyser la moindre retouche photo ou typographie.
Danseuses en plumes
«Cinématique» n’est pas un vain mot lorsqu’on regarde le film-somme de ces intentions, l’opulent clip de la chanson This is Hardcore, tourné sur le plateau voisin de celui du Eyes Wide Shut de Kubrick, très inspiré par les drames ultra-colorés de Douglas Sirk et les photos de tournage vintage compilées par Diane Keaton dans le recueil Still Life. Une trame de film noir qui finit en numéro de comédie musicale à la Busby Berkeley, où des danseuses en plumes chatouillent un Cocker pas dupe des mirages hollywoodiens. Agrégeant archives vitales (des story-boards au menu des cocktails pour la soirée de lancement de l’album) et photos inédites des coulisses prises par le co-auteur Paul Burgess, ce beau catalogue d’une exposition imaginaire laisse aussi s’épancher les fans, comme l’ex-Cabaret Voltaire Stephen Mallinder, ou même Candida Doyle, la discrète claviste de Pulp. Son interview franche et sans fioriture est peut-être le vrai cœur inattendu du livre.