La Plaine de France, c’est ce vaste territoire naturel qui s’étend du nord de Paris jusqu’à l’Oise. S’il se confond avec la Seine-Saint-Denis et une partie du Val-d’Oise, le photographe a préféré donner à son projet ce nom poétique, plus évocateur que son équivalent administratif. Car avant d’être ce département associé à la délinquance et à l’immigration de masse, qui porte le matricule 93, la Plaine de France fut d’abord agricole, maraichère précisément, puis industrielle et communiste, symbole de la «banlieue rouge» avec ses «grands ensembles» construits pour loger les ouvriers. Quand ils devenaient contremaîtres, ils quittaient la cité HLM pour s’installer dans un pavillon.
A présent, qu’est-elle ? Plus rien de tout cela, et en même temps un peu de tout cela à la fois. A la Plaine-Saint-Denis, les bureaux des grands groupes tertiaires ont remplacé les usines. La région Ile-de-France a implanté son siège à Saint-Ouen. Universités, hôpitaux, logements, gares du Grand-Paris-Express : la Plaine de France est hérissée de grues qui rivalisent avec le sommet de la butte – artificielle – du parc Georges-Valbon. En 2024, elle accueillera le village des athlètes, le centre des médias et plusieurs épreuves des Jeux olympiques. Le 93 est un territoire composite, et c’est sur ce patchwork à la déroutante plasticité, qui garde trace des strates successives de son histoire, qu’Arthur Crestani promène son regard à la fois tendre et amusé.