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Libération
Disparition

Le photographe Abdoulaye Barry, rattrapé par la nuit

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L’ancien enfant des rues, photoreporter autodidacte, s’est fait connaître par ses images du N’Djamena interlope et ses portraits des pêcheurs du lac Tchad. Il est mort mardi 12 juin à 44 ans.
Abdoulaye Barry aux abords du lac Tchad, en 2010. (Bruno Boudjelal/Vu)
publié le 14 juin 2024 à 19h57

Abdoulaye Barry était un photographe de la nuit. Elle l’a englouti mardi 12 juin, à 44 ans. Abdoulaye est mort à l’hôpital de N’Djamena, sa ville, des suites d’une violente crise de paludisme, selon ses proches. Sa silhouette claudicante – due à une infirmité de naissance à une jambe – n’arpentera plus la capitale tchadienne, où il est né, a grandi et fait ses premières images. Il n’était ni une figure de la photo de guerre, ni un esthète du photojournalisme, ni une célébrité avant-gardiste de la profession. Il n’avait pas de site ni de page Internet. Abdoulaye Barry était un accident. Tristes, beaux et mystérieux, les accidents attirent les photographes, dit-on. Lui-même a attiré à lui la photographie.

«Barry signifie le vent sur le fleuve», m’avait-il assuré à l’automne, au volant de sa Toyota poussiéreuse, garée devant un hôtel chinois de N’Djamena, en partageant un sachet de prunes sèches. Abdoulaye est né dans une famille pauvre du quartier Mardjandafack, au sein d’une fratrie de six. Son père, un militaire, est tué à la guerre en 1987. Sa mère est marchande ambulante. Sa jambe atrophiée lui vaut des moqueries. «On m’insultait, je vivais caché, a-t-il raconté dans une conférence donnée au Quai Branly, il y a quelques années. Je crois que cet isolement de l’enfance me suit aujourd’hui dans mon