«Le hasard agit sans avertir, et même si parfois on peut en avoir l’intuition, généralement il surprend. Le medium photographique est le plus adéquat pour tenter de refléter sa puissante action continue, son influx mystérieux.» Cette phrase est de Luis Baylón, 63 ans, l’un des plus importants photographes espagnols, qui vient de publier Madrid en plata – littéralement, «Madrid en argent». Un ouvrage dont les images retracent plus de trois décennies (1984-2017) de ses déambulations, un Rolleiflex double objectif en bandoulière, dans les rues de cette capitale qui, comme il le dit lui-même avec un enthousiasme juvénile, demeure pour lui «la si chère ville de mon âme». Taille moyenne et puissante charpente, l’œil qui ne cesse de briller, Luis Baylón parle avec volubilité de ce livre qui couronne sa carrière de «nomade urbain» à travers tous ses quartiers, ses moindres recoins, ses placettes ou ses boulevards, ses belles devantures ou ses ruelles canailles.
Spectacle de la rue
Dans son objectif sa rétine se fixe parfois sur des atmosphères de parcs abandonnés, d’édifices livides, de chiens hagards ou de zincs de bars. Mais l’essentiel se dirige vers l’humain, tout ce qui se présente sous ses pas de piéton arpenteur infatigable : musiciens de rue, lecteurs, migrants, couples de vieux, prostituées, bourgeoises à hauts talons, vagabonds, touristes, enfants… Le spectacle de la rue est son sujet, sous toutes ses formes, à son insu. Le critique espagnol Juan Manuel Bonet