Opiniâtre et méthodique, cela fait maintenant un quart de siècle que Mathieu Pernot laboure le même terrain social, autour des thèmes mitoyens de l’isolement, de l’exclusion et de l’exil, dont le dosage varie au gré âpre des projets. Des corps de réfugiés afghans étendus sous des couvertures dans les rues de Paris aux traces de détenus dans la vétusté de la prison de la Santé abandonnée, via le quotidien prosaïque d’une communauté tsigane arlésienne, les Gorgan, avec qui il a tissé des liens étroits depuis vingt ans, aucun de ses sujets, abordés de front mais avec déférence, ne peut laisser de marbre.
Ainsi en va-t-il de «Something is Happening», qui fait l’objet d’une exposition au Musée juif de Belgique, et d’un livre ayant pour cadre l’île de Lesbos, en Grèce, où le documentariste a scruté l’an dernier la détresse des milliers de miséreux apatrides (Afghans, Syriens, Somaliens, Iraniens…) parqués là, dans l’attente très hypothétique de jours meilleurs sur un continent perdu dans les tergiversations. Retour avec le photographe sur la manière dont il a accosté ce berceau de la mythologie, devenu un pandémonium emblématique des tensions migratoires.
Qu’alliez-vous chercher à Lesbos ?
N’étant pas à la base un grand voyageur, je me suis longtemps focalisé sur un réel de proximité. Cela ne fait que deux ans que je me déplace et, à travers Lesbos, il m’a paru intéressant d’inverser la perspective historique en considérant par exemple les langues et les écritures : ces êtres