L’appareil photo est une arme discrète. A la photographe chilienne Paz Errázuriz qui, sous la dictature de Pinochet, a trimbalé son appareil partout où il ne fallait pas – maisons closes, asiles psychiatriques, manifestations d’opposants… – il a permis d’entrer «partout où je voulais. C’était un outil magique». Son travail, archive inestimable de vies dissidentes sous la dictature, est exposé à la Maison de l’Amérique latine à Paris, et de passage pour le vernissage d’«Histoires inachevées», la photographe de 79 ans explique de sa voix douce, comme surprise que l’on s’y intéresse, qu’elle l’avait commencé «avant tout pour elle-même. Pour chercher, pour comprendre».
Par exemple cette magnifique série «La Manzana de Adan» (la pomme d’Adam) (1982-1987), vue aux Rencontres d’Arles en 2017, et consacrée à deux frères travestis et à leur famille : elle l’a initiée, en autodidacte, car elle ne savait «rien des femmes, de la sexualité, de la prostitution. Je m’étais rendu compte, en séjournant en Angleterre quelque temps auparavant, de combien mon éducation était lacunaire». Et là voilà se liant d’amitié, aux heures où le couvre-feu instauré par la dictature le permettait, avec des travailleuses du sexe dans les mais