A Arles, l’exposition «From Antananarivo to Arles» (1) met en valeur jusqu’au 19 août le travail de six photographes malgaches qui documentent leur pays de l’intérieur. «Ces photographes disposent de peu de moyens pour se faire connaître et mieux vivre de leur travail : presse locale peu dynamique et peu diffusée, quasi-absence de lieux d’exposition en dehors de la capitale, décrivent les commissaires de l’exposition. Le relatif isolement du pays sur la scène internationale, ses difficultés économiques récurrentes, sont des éléments qui contribuent également à cette méconnaissance de la création photographique malgache. Dans ce contexte, les talents émergents tardent à se faire connaître et à s’épanouir.» Du 31 juillet au 5 août, Libé présente le travail de ces six photographes. Ce jeudi, celui de Rijasolo couvrant les vols de zébus perpétrés par des groupes d’hommes armés qu’on appelle «Dahalo», auxquels la population rurale est confrontée quotidiennement dans les régions du sud et de l’ouest de Madagascar.
En 2013, dans le sud de Madagascar, le vol de zébus est devenu une affaire d’Etat, depuis que les Dahalo ont commencé à opérer en groupe, équipés d’armes de guerre et n’hésitant pas à recourir au meurtre pour arriver à leurs fins. Des opérations militaires d’envergure seront déclenchées afin de ramener l’ordre dans la région et les neutraliser. Ces opérations seront rapidement accusées d’avoir commis des exactions arbitraires contre les populations locales.
La tradition ancestrale qui consistait jadis à voler un zébu pour prouver sa virilité a tourné au vol massif en bandes organisées depuis les années 2010. La «pacification» de ces zones est un casse-tête pour l’Etat surtout depuis que certains députés ont été impliqués dans des affaires de vols de zébus.
On estime que 90 % de la viande de zébu consommée à Antananarivo, capitale de Madagascar, provient d’un réseau de bêtes volées, organisé comme une mafia avec des commanditaires et des exécutants. De grands éleveurs de zébu comme Louis Kasay, dans l’ouest de l’île, tentent de résister à cette terreur instaurée par les chefs Dahalo de la région et n’hésitent pas à traverser à pied leur territoire, pourtant classé en zone rouge par les autorités militaires, pour pouvoir vendre leurs zébus dans les grands marchés près d’Antananarivo.
Depuis plusieurs décennies, chaque année, le sud de Madagascar est victime d’une période intense de sécheresse qui empêche les paysans de cultiver et plonge la population locale dans une situation de famine. Le manque de développement économique dans la région et l’inaction de l’Etat incite les jeunes garçons à se détourner de plus en plus du travail de la terre et à participer à des opérations de vols de zébus qui leur permettront de mieux gagner leur vie.
Rijasolo, né en 1973, commence la photographie en autodidacte en 2000. En 2004, il amorce un travail photographique déambulatoire intitulé Miverina, qu’il achèvera en 2009 et qui témoigne de sa difficulté à retrouver un rapport intime avec Madagascar, son pays d’origine. En 2006, il suit une formation en photojournalisme à Paris et fonde le collectif Riva Press. Rijasolo vit et travaille à Madagascar.
(1) «From Antananarivo to Arles» à la galerie Aux Docks d’Arles. Commissaires : Marie Lelièvre et Rijasolo. Exposition réalisée avec l’aide du Fonds Yavarhoussen, qui soutient la création contemporaine malgache.
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