Certains titres de presse courent après leur époque. D’autres la racontent, depuis le cœur de la tempête. Plus rares sont ceux qui osent la devancer, la provoquer, la malmener. En refusant de choisir entre art, musique, mode, cinéma et politique, le magazine britannique The Face a donné le ton des années 80 naissantes et annoncé celui des vingt-quatre années qui suivront. Entre mai 1980 et mai 2004 – un revival est orchestré depuis 2017 mais par une équipe éditoriale différente –, la revue aura dévoilé avec un temps d’avance ces deux décennies où tout s‘est progressivement mélangé, décloisonné, télescopé.
Une hybridation frénétique qui franchira un cap décisif avec la démocratisation d’Internet au début des années 2000 mais qui en mai 1980, au moment où le magazine sort son premier numéro, tient de l’utopie. The Face la réalisera, non par le texte mais par l’image : au-delà de la qualité constante de ses articles, c‘est à travers ses innombrables clichés que la revue a défini son époque, offrant aux photographes une place et une liberté jusque-là inédites dans la presse anglaise, qui se traduiront aussi bien dans les shootings de mode que dans les portraits ou les reportages.
Voir ces photos exposées à la National Portrait Gallery à Londres dans une exposition intitulée «Culture Shift» («basculement culturel») aurait pu sembler un rien audacieux il y a vingt ans, quand The Face publiait son dernier numéro et mettait la clé sous la porte. Aujourd’hui, ça ti