Il s’agit de la deuxième image du livre de Tim Richmond, sa lettre d’amour au canal de Bristol, ce bras de mer du Royaume-Uni qui sépare le pays de Galles du Sud de l’Angleterre du sud-ouest. Le contrechamp, la première image de cette déclaration, c’est une étendue de vase et de goémon, en ligne de mire de ce fantassin au genre non identifiable. Des instantanés dont le photographe anglais, coutumier des projets photographiques au long cours, n’explique pas le «comment on en est arrivé là», entre décennies d’austérité, banques alimentaires, ennui et isolement dans un territoire qu’il croque baigné dans ce gris de brouillard sans soleil, sans heure et sans saison. Ni ne prétend à l’exhaustivité, se concentrant sur des personnages statiques entre la vingtaine et la retraite, dont certains tatouages délavés évoquent une jeunesse déjà lointaine.
A bien y regarder, l’agressivité n’est pas vraiment l’esprit de l’image – l’arme n’est qu’un fusil airsoft au doux nom de Galahad HP d’une société britannique toujours orgueilleuse de son passé. L’ouvrage de Tim Richmond s’intitule Love Bites, traduisible autant par «bouchées d’amour» qu’un «amour qui mord». Son appareil mâchonne cette contrée dans des teintes pastel et surannées, sans jugement, et on ne sait si c’est la photographie qui arrête le cours de la vie des portraitisés, ou si ces vies sont au ralenti depuis plusieurs années. L’horizon est désert, les accessoires ne sont pas prestigieux, mais ils sont accordés, les jambes