Le face-à-face est historique. D’un côté, Shomei Tomatsu, le père de la photographie japonaise contemporaine, celui qui a révolutionné la pratique documentaire en affirmant la subjectivité du photographe. De l’autre, l’un de ses plus brillants disciples, Daido Moriyama, figure de la revue d’avant-garde Provoke et pionnier de l’esthétique Are-Bure-Boke («brut-flou-trouble») dont s’emparera la jeune garde japonaise à la fin des années 60. Une double rétrospective qui revient de loin – du début des années 2010, quand Tomatsu soumet l’idée à Moriyama et que les deux photographes commencent à sélectionner des photos avec l’idée de centrer l’exposition sur ce qu’ils désignent comme leur «terrain de chasse», la ville de Tokyo. Le décès de Tomatsu en 2012, à l’âge de 82 ans, mettra brutalement fin au projet. Qu’on ait pu passer à côté d’un tel choc ne fait qu’ajouter à l’aspect enivrant de l’affaire, même si la rencontre ne pouvait que se produire – impensable que ces deux monstres fascinés par la marge et les mutations multiples de la capitale japonaise ne soient pas réunis un jour, malgré leurs approches discordantes.
Américanisation
Aucune tentative de croisement ou d’hybridation, les deux photographes sont très nettement distingués (un étage chacun) et le traitement radicalement différent : ultra-scénographié pour Moriyama, sobre et épuré pour Tomatsu, dont la force brute des images rend toute tentative de mise en scène superflue. Tout juste a-t-on le temps de prendre ses marques dans la