Bizarrement, au hasard des spectacles vus, un fil se tend durant les deux premiers jours de cette édition un peu particulière du Printemps des comédiens : celle de la désincarnation. Dans Cuckoo, l’un des volets de la trilogie autobiographique hautement dépressive du performeur sud-coréen Jaha Koo, l’auteur seul en scène laisse la parole à ses cuiseurs de riz. Lesquels développent, comme on pouvait s’y attendre, un sens assez peu polysémique des dialogues à l’image de l’aridité de l’exil en Europe.
De manière très différente, François Gremaud et Victor Lenoble expérimentent avec Pièce sans acteur(s) un dispositif où il n’y a plus besoin de présences animées en chair et en os pour que l’art vivant le reste – car par chance, on est là, nous, les spectateurs, devant la scène vide et éclairée, où deux très grandes enceintes siègent côté cour et côté jardin – on garde le vocabulaire du théâtre. Comment hallucine-t-on des corps malgré leur absence ? Est-elle un simulacre, cette absence, les deux enceintes pouvant cacher des acteurs ? Les voix qu’elles amplifient sont-elles préenregistrées ou agissent-elles en live ? Toutes ces questions non tranchées agitent le spectateur, qui se surprend à visualiser des paysages, des poules sur le plateau, une biche égarée qui nous contemplerait par exemple, ou à percevoir des mots derrière des sons – car l’expérience minimaliste porte également sur le langage.
Ascèse
Quand la représentation commence, une première enceinte nous souhaite la