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Théâtre

Récits du 13 Novembre à la Colline : avec «Terrasses», l’émotion voilée par l’emphase

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En adaptant sur scène le récit de Laurent Gaudé autour des attentats de 2015, Denis Marleau ne parvient pas à dépasser le lyrisme appuyé du texte.
Denis Marleau a fait le premier choix, et bien sûr que ça marche : aux lumières, Marie-Christine Soma travaille ses clairs-obscurs savants au bord du «trou noir», la scénographe Stéphanie Jasmin expose un plateau noir traversé de tapis roulants, fracturé de plans qui s’inclinent vers «l’abîme». (Simon Gosselin)
publié le 21 mai 2024 à 16h55

Une jeune femme entre lentement en scène, face public, tandis que de part et d’autre du plateau dans une semi-obscurité a pris place ce qu’on devine être un chœur, avant que chacun chacune vienne raconter l’horreur de ce vendredi 13 novembre 2015. Les massacres aux terrasses, le carnage du Bataclan, la prise d’otages, les appels des familles… tout va être dit. Victimes, pompiers, forces de secours, infirmières, les proches vont prendre la parole dans un récit choral – à l’exception des terroristes. Pour le moment, c’est une jeune femme qui s’avance, prend son temps et s’installe dans sa parole : le beau temps, le rendez-vous dans un café avec «toi», la fille qu’elle désire, le pantalon qu’elle a choisi exprès, l’impatience du corps, le baiser espéré, mais tout ceci, elle le profère avec une lenteur si appuyée, si artificiellement théââââtre qu’on se dit : ça commence et c’est déjà fichu, le metteur en scène Denis Marleau va dérouler sur le plateau l’idée convenue de comment représenter la langue épique, forcément épique, de Laurent Gaudé.

L’auteur et dramaturge, qui vient de publier en avril 2024 sa pièce, n’a pas voulu de théâtre documentaire pour parler le tragique de cette soirée infernale, mais le souffle d’une oralité héroïque ; il ne s’agit pas de remettre en cause ce parti pris de l’épopée, mais de poser la question de ce que peut aujourd’hui le théâtre avec cette langue : «D’aucuns sont restés chez eux, d’autres ont raté leur bus, oublié leur rendez-v