A 75 ans, René Martin est à la tête de 14 festivals en France, et assure la tenue de près de 1 500 concerts tous les ans dans le secteur de la musique classique. Incontournable dans le secteur, le programmateur est mis en cause par une enquête de Médiacités et la Lettre du musicien publiée le 18 septembre, faisant état d’une gestion financière trouble de ses entreprises, révélant des témoignages de management brutal et d’une ambiance hypersexualisés instaurée avec ses salariés.
Au cœur de l’affaire figure l’association de René Martin créée en 1978, le Centre de réalisations et d’études artistiques (Créa), gestionnaire de ces multiples événements musicaux – et notamment la Folle Journée de Nantes, rendez-vous annuel de la musique classique qui attire plusieurs dizaines de milliers de spectateurs.
Dépenses personnelles réalisées avec le budget de l’association
Selon l’enquête, le Créa agit en tant que prestataire privé de festivals et événements, en partie subventionnés par les collectivités locales. Si l’association ne touche pas directement ces fonds, elle y accède en obtenant des marchés publics, assure la direction artistique pour le compte de ces événements et facture ses honoraires. Parmi les marchés attribués au Crea, celui de la Folle Journée de Nantes se hisse à 1,7 million d’euros. Celui du festival de musique sacrée Passion à Fontevraud grimpe à 255 000 euros.
L’enquête énumère, factures à l’appui, des dizaines de dépenses personnelles réalisées par René Martin avec le budget de l’association, entre frais de cavistes, linge de maison et séjour luxueux dans une villa avec piscine. L’association aurait déjà fait l’objet d’un contrôle fiscal durant l’été, mais le redressement n’aurait été que de «2 000 à 3 000 euros» selon René Martin.
Un management brutal
Une vingtaine de témoignages d’anciens et d’actuels employés relatent quant à eux un climat «d’humiliations», un système d’«emprise». Certains évoquent un homme «colérique», avec lequel il est «très compliqué de bosser». Des femmes interrogées témoignent de regards insistants sur leur corps, de remarques sur leur jupe et leur décolleté. Des accusations dont il se défend. Plusieurs salariés dénoncent sa consommation de films pornographiques sur le lieu de travail, utilisant parfois leur adresse professionnelle pour y accéder.
Depuis la publication de l’enquête, le Crea a annoncé avoir mandaté un organisme indépendant pour mener un audit interne. L’affaire embarrasse les élus locaux et, selon France 3, René Martin se serait mis en retrait de sa structure. Marie Vitoux, adjointe à la maire de Nantes et cheffe de file des écologistes pour les élections municipales, a déclaré que si les faits sont avérés, «la Folle Journée devra agir en conséquence et mettre fin à la collaboration de René Martin». Pour l’heure, aucun festival ne s’est exprimé, à l’exception du Rivage des voix, à Saint‐Florent‐le‐Vieil (Maine‐et‐Loire), qui compte poursuivre cette collaboration avec le directeur artistique puisque «tout se passe bien».