Le risque du totalitarisme, partout, toujours. Et pour l’illustrer, l’intemporel. C’est le choix qu’a fait Bérangère Vantusso dans sa mise en scène du Rhinocéros de Ionesco. Le texte, paru en 1959, est ici dépouillé de ses marqueurs de l’après-Seconde Guerre mondiale, de ses francs et autres vouvoiements intempestifs. Comme son texte, son plateau est presque à nu. Presque.
Dans une ville de province, Béranger (Thomas Cordeiro) voit autour de lui les cas de rhinocérite augmenter de minute en minute. Les habitants, un à un, grognent, découvrent sur leurs fronts une ou deux cornes qui poussent, leur peau qui verdit et durcit. Béranger, alcoolique menant une vie plutôt paisible dans son entreprise, décide de ne pas se conformer, et de lutter contre les rhinocéros, métaphore du totalitarisme dans le texte originel.
Sur scène, les comédiens évoluent devant un mur de cubes de céramiques blancs, qui pixélisent la scène. Ils s’en servent pour se créer des lits, des verres, des conserves… Et les brisent, les jettent à travers la salle – pour le premier rang, les lunettes de protection sont fournies. C’est ici qu’on retrouve le théâtre d’objets, cher à la marionnettiste et metteuse en scène Bérangère Vantusso qui dirige depuis janvier le CDN de Tours. Par trois fois, entre chacun des cinq actes, le mur avance, oppressant le spectateur, au fur et à mesure que les rhinocéros envahissent la petite ville tranquille où vivent Béranger et sa collègue Daisy (Maïka Radigalès), pour qui il