Comédien, metteur en scène, directeur de théâtre, poète. Lui préférait le mot «saltimbanque», qu’il disséminait partout dans ses envolées lyriques et passionnées, devenues au fil des décennies sa signature. Richard Martin, le fondateur et infatigable directeur du théâtre Toursky à Marseille, est mort lundi 16 octobre à 80 ans. C’est au début des années 70, après une carrière démarrée dans le boulevard à Paris, qu’il décide de poser ses valises à Marseille. «J’ai senti que c’était une ville-univers, le contraire de Nice où je suis né, rembobinait-il pour Libé en février. Si je devais épouser une ville, ce serait celle-là.» Le maire de l’époque, Gaston Defferre, lui cède un hangar désaffecté dans le quartier de Saint-Mauront, «l’un des plus pauvres d’Europe». Il y bâtira un «lieu de résistance poétique», sa rive gauche à lui en plein quartier populaire, où durant cinq décennies, dans le sillage de Léo Ferré qui fut son compagnon de route, les grands noms s’invitent sur scène : Lavilliers, Caubère, Biolay et même Barbara Hendricks, invitée pour le trentième anniversaire du Toursky. Engagé comme on respire, il exporte aussi sa vision d’un théâtre du peuple hors ses murs, en sillonnant les cités pour présenter ses pièces, ou récemment encore en accueillant en résidence un groupe de gilets jaunes.
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Mais c’est pour défendre son théâtre que le directeur se montrait le plus passionné. Sa première grève de la faim remonte à 1981, déjà pour dénoncer des baisses de crédits publics. Il s’était alors suspendu à une nacelle à plusieurs mètres de hauteur, devant la façade de son théâtre. Pour sa quatrième et dernière protestation, en février, il avait installé son lit rouge dans le hall de son théâtre. Cette fois-ci, c’était pour dénoncer une baisse de subventions par la mairie, qui pointait aussi une nécessaire mise en conformité de la convention d’occupation du théâtre, hébergé dans un bâtiment municipal. Richard Martin y avait surtout vu une manière de le pousser vers la sortie. «Ils pensent que je n’ai plus rien à dire ? Je suis peut-être un has been, mais pas dans la poésie !» leur renvoyait alors le comédien qui, dans son combat, avait reçu le soutien de nombreux artistes, signataires d’une pétition qui a réuni plus de 20 000 personnes. «Le Toursky en résistance», affiche toujours le site Internet du théâtre, même si les relations entre le théâtre et la municipalité s’étaient apaisées ces derniers mois. «Malgré nos différences, nous avions toujours gardé des liens d’amitié, et avions su retrouver le chemin du dialogue pour l’avenir du théâtre Toursky», écrivait lundi soir le maire de Marseille, Benoît Payan, rendant hommage à «l’engagement infatigable d’un artiste, militant de la culture et des quartiers populaires depuis plus de cinquante ans».