Au gré des restaurations et redécouvertes tardives, l’âge d’or du cinéma japonais n’en finit pas de nous éblouir : des noms parfois ignorés à l’international émergent en éclats diffractés éclairant un tableau longtemps dominé par quatre figures tutélaires (Mizoguchi, Kurosawa, Ozu, Naruse) qui ne cesse de se recomposer.
Tourments feutrés
Compagnon de route du scénariste et cinéaste Kaneto Shindo, qu’il avait connu à la Shochiku, célèbre studio fondé en 1895, où il fit ses armes, et avec lequel il créera sa propre société de production (la Kindai Eiga Kyokai), Kozaburô Yoshimura (1911-2000) n’a certes pas la patte aussi abrasive et expérimentale que celle de son complice, qui lui prêtera souvent sa plume – notamment pour le Bal de la famille Anjo et le Roman de Genji deux des films les plus célèbres de Yoshimura. Mais son style plus versatile – allant du film de guerre au shomingeki (ces portraits intimistes de la classe moyenne) – atteint parfois de tels sommets de subtilité dans ses portraits de femmes des années 50, sa peinture d’une société japonaise en pleine mutation, qu’il ne déparerait pas dans la filmographie de Naruse. Même finesse de trait, même météorologie des tourments feutrés et des passions intranquilles, dans le magnifique Rivière de nuit (1956), qui ressort en salles dans une somptueuse et chatoyante copie restaurée. Sans doute la présence à l’écriture de Sumie Tanaka (qui signera les scénarios de quelques chefs-d’œuvre de Naruse ou de Kinuyo Tanaka