Chela de Ferrari est péruvienne, et ce n’est pas la première fois qu’elle revisite un classique et dirige des comédiens en situation de handicap. C’est depuis ce handicap, la place et le regard qu’il donne dans et sur le monde qu’elle pense à nouveaux frais les grands textes et la mise en scène. En 2023, on pouvait voir en France son Hamlet où jouaient des interprètes porteurs du syndrome de Down. Cette fois, avec la Gaviota présentée dans le In d’Avignon, elle adapte Tchekhov avec une distribution constituée de nombreux comédiens et comédiennes non ou mal voyants. La jeune Nina, notamment, qui rêve de quitter sa petite ville provinciale pour devenir actrice à Moscou, est incarnée par Belen Gonzales del Amo, dont les pas fragiles et hésitants sur le plateau font écho à la trajectoire empêchée de son personnage. «Si quelqu’un me parle», dit-elle en évoquant son corps «analphabète», «j’oublie de me retourner pour lui montrer que je l’écoute». Car dans la Gaviota, une partie des personnages sont aveugles eux aussi, sans compter ceux qui, bien voyants, s’aveuglent dans un sens plus figuré. Boris, le jeune amant de la vieille actrice à succès Arkadina, devient dans la bouche d’un jaloux le «beau voyant qui lui sert de chien d’aveugle» et un personnage peut lancer à un autre : «Ça va je ne suis pas sourde !»
Il y a au commencement de la pièce sur le plateau un décor très classique, bourré de détails très tchekhoviens. U