Il dit «j’y étais», sans détour ni prétention, comme un secret qu’il partagerait avec beaucoup de monde. Il parle des émeutes. Aussi : «Nahel était mon ami.» Est-il possible de transcrire la «haine» qui l’a saisi cet été-là sur une scène de théâtre, de ne pas la pervertir en simple «colère» ? Aymen s’interroge. Il tente de jouer avec «de l’émotion» mais il ne veut pas qu’on confonde tout. Il se réprime. «De base», le théâtre, il est loin de ça. Aymen, la majorité franchie de peu, est un technicien fibre optique pour un opérateur télécoms. Quelques mois après l’été 2023, un «grand du quartier» organise un concours d’éloquence. Il hésite, s’inscrit, gagne, poursuit jusqu’à faire dorénavant partie d’une asso locale. Il discourt en général sur «les injustices policières et le train de vie d’un banlieusard qui n’est pas un bandit ou une personne mal intentionnée». Il rit parce que ça lui semble incohérent. Avec sa dégaine, survêt gris, chaussé de Nike Requin, le cheveu lustré de gel, son crâne liseré d’un trait de rasoir. Mais, surtout, avec ce qu’il se figurait jadis de lui-même. Il dit que, aussi surprenant qu’un crachin une journée azur, le théâtre lui est «tombé dessus».
Profil
Aymen est l’un des quatorze