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Théâtre

«Abysses» au Théâtre 13, plongée dans la tragédie migratoire

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La pièce de l’Italien Davide Enia raconte le destin tragique des migrants morts sur les côtes européennes.

Le comédien Solal Bouloudnine.
Publié le 03/03/2024 à 17h34

Inutile de se mentir : dehors, c’est encore l’hiver. La nuit tombe vite et le vent et l’humidité consolident une vilaine sensation de froidure dont le territoire peine à se départir. En outre, le Théâtre 13 /Bibliothèque (la structure, bicéphale, comprenant une seconde salle, non loin) n’est pas logé dans le quartier le plus funky de Paris.

Courage masochiste

Or, le décor ainsi planté, on s’apprête à écouter un récit térébrant, assumant la description détaillée, digne d’un rapport d’autopsie, de corps en état de décomposition, après que l’eau salée ou les poissons en ont fait leur pitance. Ou le souvenir d’une jeune fille violée par six hommes, sous les yeux de son cousin. Alors oui, une forme de courage masochiste s’impose sans doute pour entendre l’indicible, mais aussi tellement moins que pour le vivre. Voire, dans une certaine mesure, l’écrire. Quand bien même l’amour, la résilience, le courage, le respect et, fût-il ténu, l’espoir, viendront fouir les ténèbres.

A la base, figure l’obstination de Davide Enia. Un auteur, acteur et metteur en scène italien, originaire de Palerme, qui écrit d’abord un court texte, l’Abisso, puis un roman, la Loi de la mer, suivi d’une pièce, l’Abysse – jouée depuis maintenant plus de quatre ans dans son pays. Des phrases qui ressassent le même thème, disséqué depuis 2012 : le destin tragique de ces migrants qui, à Lampedusa (et ailleurs) s’échouent littéralement sur