La Bohème, comme tant d’opéras, raconte mal une histoire stupide mais a inspiré à Puccini des mélodies aussi inventives et sophistiquées, dans leur construction, que d’un dramatisme immédiat qui touche au cœur. S’intéresser aux situations théâtrales ou à la psychologie des personnages de ce tube planétaire est donc un contresens : c’est en exaltant la convention et l’artifice, en éblouissant le spectateur avec des décors, des costumes, des lumières, un orchestre, des chœurs et des chanteurs se dépassant héroïquement, qu’on lui rend justice.
Ce n’est hélas pas au théâtre des Champs-Elysées, où Eric Ruf vient de remonter l’ouvrage, en co-production avec les opéras de Bordeaux, d’Angers-Nantes et de Saint-Etienne, que l’on trouvera matière à être bouleversé. Situer l’action dans un théâtre, dont le personnage de Marcel doit peindre le rideau de scène, impose la laideur d’échafaudages mais crée surtout de la distance, là où Gian Carlo Menotti à Garnier, Franco Zeffirelli au Met de New York, ou Jonathan Miller à Bastille, allaient, superficiels par profondeur, comme dit le philosophe, et aidés d’éclairagistes talentueux, droit au chromo et à la carte postale attendue.
Qu’importe les costumes somptueux, signés Christian Lacroix, et la vision du café Momus sous la neige, le spectacle sent la naphtaline, surtout quand chante Selene Zanetti, Mimi trémulante et grossière, là où Mirella Freni et Ileana Cotrubas savaient conserver naturel et fraîcheur au plus lyrique de l’expressio