Les balletomanes étaient sur les dents, suspendus depuis des mois à l’annonce du ou de la successeur(e) d’Aurélie Dupont à la direction du ballet de l’Opéra de Paris. L’annonce est enfin tombée dans la matinée : c’est donc José Martinez, 53 ans, ancien directeur de la Compagnie nationale de danse d’Espagne et danseur étoile du ballet de l’Opéra de Paris qui prendra le gouvernail à compter du 5 décembre.
Pour cette nouvelle nomination, et après que le ballet a été la cible de vives critiques sur son management et son défaut d’identité, l’Opéra avait employé des moyens tout à fait exceptionnels. Au lieu de désigner directement un nom, le grand patron de la maison, Alexander Neef, avait voulu s’appuyer sur les conseils d’un comité de sélection, présidé par Bernard Stirn, président honoraire du conseil d’administration de l’Opéra national de Paris, et composé des chorégraphes Carolyn Carlson et Angelin Preljocaj et du danseur Charles Jude – un casting de sélectionneurs prestigieux mais qui n’incarnait pas nécessairement, soulignaient déjà certains, une «nouvelle génération» et des «enjeux contemporains». Ainsi ont-ils pris le temps d’éplucher les 23 candidatures recueillies (9 femmes, 14 hommes). Et certains des noms qui circulaient – comme celui du chorégraphe et directeur du Centre national de la danse contemporaine d’Angers Noé Soulier – tranchaient parmi les attendus au poste.
Garçon «posé»
Mais non, «ils ont encore pris quelqu’un du sérail, peste un déçu, en interne. Ils n’ont pas d’imagination et pas de vision». D’autres vantent les nombreux atouts de ce garçon «posé» : la bonne connaissance de la maison, l’élégance de sa danse… De son côté, l’Opéra de Paris, dans son communiqué, vante la façon dont José Martinez, pendant huit ans, «a su donner une nouvelle identité à la compagnie [espagnole, ndlr], dans un contexte économique et social tendu». Le contexte parisien l’est également. Contrairement au lyrique, le ballet remplit, certes. Mais le nouveau directeur devra veiller à lui redonner une identité forte, à l’heure où d’aucuns reprochaient à Aurélie Dupont de délaisser la réflexion sur le classique, en faisant venir des chorégraphes contemporains plus ou moins bons, que d’autres grandes maisons parisiennes comme le Théâtre de la Ville pouvaient de toute façon avoir.
«Brillante carrière»
Charge à lui, alors, de veiller à la juste balance entre répertoire et création, et de revitaliser le vocabulaire classique (censé être l’ADN de la compagnie) tout en visant les avant-gardes. Surtout, après la mission sur la diversité confiée à Constance Rivière et Pap Ndiaye, après les bruits persistants de harcèlement moral au sein du ballet, la nouvelle direction est attendue sur le terrain managérial, et celui de l’ouverture aux mutations sociétales. «La brillante carrière de danseur de José Martinez, son expérience de directeur de compagnie et de chorégraphe, ainsi que sa sensibilité aux actions de médiation et d’inclusion sauront assurer la stabilité, le rayonnement et l’excellence du ballet de l’Opéra national de Paris», a ainsi commenté Alexandre Neef. Par ailleurs, pour assurer pleinement ses fonctions, José Martinez renoncera à ses activités de chorégraphe – une initiative bienvenue, qui n’est pas courante en France où les deux casquettes se cumulent souvent pour le meilleur et le pire.