Le Festival pose un problème quasi insoluble au spectateur : il y a trop de choix qualitatif. Imaginez. Vous n’avez pu assister à un opéra mis en scène. Quel dommage. Cessez de geindre en avalant des calissons, relevez la tête et regardez ce qu’il vous reste : beaucoup de choses, et toutes si attractives qu’il est ardu de prendre une décision.
Il y a d’abord les opéras en version de concert. Un joli panachage romantique XIXe : le Prophète de Meyerbeer, dans la catégorie grand opéra français ; Otello, la quintessence des tourments verdiens, et Lucia di Lammermoor, du Donizetti profilé pour de folles prouesses de soprano. Aux commandes, trois grandes phalanges qu’on aimerait toutes entendre, respectivement le London Symphony Orchestra (LSO), qui officie aussi en version scénique, l’orchestre du Teatro di San Carlo (dirigé par Michele Mariotti), et l’orchestre de l’Opéra de Lyon, sous la baguette de son directeur musical, Daniele Rustioni. Et si vous comptiez sur la distribution pour vous permettre de départager ces œuvres, vous allez au-devant d’un sérieux casse-tête : l’Américain John Osborn, venu du bel canto avant d’élargir son répertoire, interprétera le rôle de Jean de Leyde dans le Prophète, ce qu’il avait déjà accompli au Théâtre du Capitole de Toulouse, en 2017 ; l’inimitable star masculine Jonas Kaufmann chantera Otello alors que l’inimitable star féminine Maria Agresta chantera Desdemona (reproduisant le duo qui avait brillé à Naples dans ce même titre en 2021), et la soprano légère Lisette Oropesa incarnera au Grand Théâtre de Provence la Lucia qui l’a vue triompher à la Scala de Milan ce printemps (avec, à Aix, Florian Sempey en Henri Ashton). Trop compliqué de trancher… Vous avez raison. Passons alors du côté des concerts.
Interview
Ligeti, Tchaïkovski et du jazz tunisien
On retrouve le LSO pour deux soirées dirigées l’une par Sir Simon Rattle, dans un programme Betsy Jolas - Gustav Mahler, et l’autre par Susanna Mälkki, qui hommagera notamment George Benjamin (lire aussi page IV) en faisant briller son Concerto pour orchestre. Le compositeur britannique dirigera aussi le Mahler Chamber Orchestra pour une soirée Ligeti, Abrahamsen, Ravel et… lui-même (At First Light). Pour ceux qui préféreraient la facilité du répertoire, le Balthasar Neumann Ensemble donnera la Missa Solemnis de Beethoven sur instruments d’époque, dirigée par Thomas Hengelbrock. Là encore, le choix est rude. On ne s’en sort pas. D’autant que les récitals avancent aussi des arguments de poids : Christian Gehraher (lire page VI) chantera du Schumann, la soprano Asmik Grigorian des romances (Tchaïkovski, Rachmaninov), et la merveilleuse Pretty Yende un programme convoquant de Rossini à Gimenez en passant par Debussy. A moins qu’un détour par un «Portrait du pianiste Kirill Gerstein», en deux soirées de concert, n’emporte le morceau. Mais il y a aussi du jazz… le sextet Mosaïc, le Noé Clerc Trio, la saxophoniste américaine Lakecia Benjamin, le trio tunisien Gharbi Twins, et l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée, qui réunira toutes les tendances avec la violoncelliste Camille Thomas en soliste invitée… On ne sait que choisir. Passez-moi vos calissons, va…