Elle, c’est Annette Baussart, 75 ans, au centre de la pièce que lui consacre Clémentine Colpin. Une vie de femme qui se raconte, d’abord en amont sous forme d’entretiens, puis le passage sur scène qu’elle tient de bout en bout, sans vraiment avoir besoin des deux comédiennes et deux danseurs qui l’accompagnent dans ce retour aux souvenirs. Annette ou l’autoportrait documentaire : «Un gros nez, et des gros seins, petite un peu boulotte avec des cheveux bouclés et des lunettes […] un boudin, un thon, une paire de gros lolos, je faisais tapisserie.» Mais ça c’était avant, car la femme qui déborde d’énergie, de drôlerie contrôlée face public, recoud aujourd’hui les trous et morceaux d’une vie qu’elle s’est littéralement construite.
Programmée pour être épouse, mère, et prolo, Annette aura tout fait dévier, avec une conscience qui force le respect. «Je viens du noir le plus absolu, je viens de mon néant et c’est par millimètres que j’ai payé pour grandir et arriver ; mais oui… J’ai ma plénitude.» A quel prix ! Se barrer du mariage plutôt heureux après l’achat insupportable du lave-linge scellé au mur de la salle de bains, avorter une fois, deux fois, être mère, mais de loin, de deux enfants, aimer le cul, les hommes, une femme, faire tous les métiers, se barrer chaque fois, et, à 50 ans, «changer complètement de vie en restant sur place. Je ne voulais pas aller faire des frites à Plunkett […]. Je suis sortie de chez moi, j’ai dit : OK tu poses ton pied, sur