Surtout ne pas lire les propos liminaires, et si on a le malheur de les lire, pourfendre l’argumentaire du programme qui présente Everywoman, cette merveille mise en scène par Milo Rau, coécrite avec la comédienne Ursina Lardi, fabuleuse de présence scénique, comme «une pièce avec une femme en fin de vie, visible à l’écran, qui met l’accent sur l’accompagnement», ce dernier mot laissant augurer du pire. Mais tenter de montrer comment Everywoman est la pièce la plus immédiate et essentielle vue depuis longtemps, joyeusement incarnée aussi, et qui rappelle avec acuité à quoi renvoie le mot «vivants», dans l’expression «arts vivants». Oui, il y aura bien vers la fin de la représentation, sur le grand écran placé tout au fond de la scène, l’image animée d’une femme qui s’efface en douceur pour laisser place à des ombres anthracites flottant sur ce qu’on devine être un fleuve. Et oui, cette femme a réellement existé et elle s’est éteinte il y a peu, alors que sur le plateau, elle converse avec une simplicité et une grâce détonantes, comme pour de vrai, avec Ursina Lardi, et les deux femmes ressaisissent ensemble fugacement les fils intimes et primordiaux de leurs vies, elles s’efforcent d’en apercevoir ce qu’en fut la tonalité ou la teinte, au moment où l’une d’elles va disparaître.
Cœur battant
L’une est donc à l’écran, au centre de ce qui pourrait être une revisitation de la Cène, l’autre est de chair et d’os, corps souple, en tenue de sport et baskets comme l’exigent le