On aurait aimé dire, un peu chic un peu bégueule : en cette première soirée du festival, Avignon retient son souffle. Mais pas du tout. Avignon, depuis ce matin déjà, s’essouffle et s’affole, reprenant le rythme un chouïa hystéro qui caractérise chaque nouvelle édition de cette manifestation insensée − on en est tout de même à la 79e.
Le festivalier loue son vélo (et croyez bien qu’en termes de dangerosité candide et de diversité du tote bag, le cycliste parisien n’arrive pas à la cheville de l’Avignonnais d’adoption), le comédien du off tracte déjà aux terrasses des cafés et Maurice Jarre se tient prêt à donner de la trompette avant chaque représentation du In. Quarante-deux spectacles pendant les 22 jours que durera le festival officiel dirigé par le metteur en scène Tiago Rodrigues, pour 300 représentations en tout.
Dans le festival off, où les artistes de tout genre et de tout âge tentent de se faire un trou (au risque parfois de l’endettement), ça donne carrément le tournis : 1 724 spectacles seront joués cette année (le staff de Libé ne promet pas de les voir tous), dans 139 théâtres (dont la plupart fermeront leur porte une fois le festival terminé… jusqu’à l’année prochaine). Mais qu’importent les chiffres pourvu qu’on ait l’ivresse. Ça commence, on est tout ouïe.
Les spectacles du jour
Dans le In
Le Canard sauvage de Thomas Ostermeier d’après Ibsen. A l’heure où vous lisez (peut-être) ces lignes, le grand retour du metteur allemand a sonné, et son adaptation de la pièce tragique d’Ibsen a commencé. Absent depuis dix ans du festival d’Avignon, Ostermeier revient à l’Opéra Grand Avignon pour un Canard sauvage translaté du XIXe siècle à aujourd’hui et réécrit à 80 %. Il y a un mois, Libé s’était rendu au théâtre de la Schaubühne, à Berlin, pour suivre ses répétitions.
When I Saw the Sea d’Ali Chahrour. Le chorégraphe libanais fait partie de la sélection des artistes de langue arabe, grande invitée du festival cette année (après les langues anglaises et espagnoles les années précédentes). Il en parlait très bien il y a quelques jours à Libé, ainsi que des héroïnes de sa nouvelle performance : les travailleuses domestiques éthiopiennes qui vivent au Liban une situation de quasi-esclavage. Elles seront sur la scène de la FabricA.
They Always Come Back de Bouchra Ouizguen. La chorégraphe marocaine qui a si bien mis sur scène les femmes (leur folie, leur corps et leur désir) occupera le parvis du palais des Papes (entrée libre) pour faire danser des hommes amateurs, habitants d’Avignon et de ses environs, sur des chorégraphies traditionnellement réservées aux femmes.
On court le voir dans le Off
Sous les paupières, de Lou Chauvain. Un seule-en-scène jalonné d’idées, d’effets, comme de personnages, qui nous introduit auprès de proches de Lou Chauvain, quand il ne pousse pas le curseur de la catharsis jusqu’à déterrer les morts. Un récit à la première personne du singulier épidermique, qui scrute le corps pour mieux observer comment il interagit avec la tête, et inversement. Notre critique : Lou Chauvain en met plein la vue
Le train bleu, du 5 au 24 juillet (relâche les 11, 18 juillet) à 15 h 40. Durée : 1 h 10.
Le portrait
Marlène Monteiro Freitas est cette année l’invitée d’honneur du festival. La chorégraphe cap-verdienne occupe la Cour d’honneur du palais des Papes jusqu’à vendredi avec Nöt qui revisite les contes des Mille et une nuits. Chacune de ses pièces est un précipité d’images surréalistes, bacchanales du temps présent qui viennent de loin. Libé l’a rencontrée et c’est à lire ici
Et demain ?
Grosse attente pour BREL des chorégraphes Anne Teresa De Keersmaeker et Solal Mariotte. Personne n’attendait Anne Teresa De Keersmaeker sur ce terrain… cela faisait pourtant vingt ans qu’elle s’y préparait, comme elle l’a confié à Libé.
Carrière de Boulbon, à 22 heures. Durée 1 h 30
Avec Item c’est l’occasion de découvrir l’œuvre, ou plutôt le monde de François Tanguy, que sa compagnie le Théâtre du Radeau continue à faire vivre depuis sa mort en 2022.
Gymnase du lycée Mistral, à midi. Durée : 1 h 30
Hâte de voir aussi ce qui se cache derrière la création de l’ingénieux Joris Lacoste, Nexus de l’adoration, qui promet de parler de tango argentin, de baleines à bosse et de Dragon Ball Z, dans un genre de science-fiction musicale.
Gymnase du lycée Aubanel, à 18 heures. Durée 2 h 15
Frère et sœur, Selma & Sofiane Ouissi, ont fondé le festival tunisien Dream City. Ils arrivent à Avignon avec leur Laaroussa Quartet où ils captent les gestes des potières de Sejnane, dans le nord de la Tunisie, qui transmettent l’art de créer des poupées d’argile de mères en filles.
La FabricA, à 19 heures. Durée : 1 h 00
Dans le festival Off, il sera déjà temps de découvrir Article 353 du Code pénal, de Tanguy Viel et Emmanuel Noblet. Une affaire d’escroquerie transformée en fable politique aux accents mystiques.