Tout est question de gymnastique. Sauter des sièges coques en plastique de la cour d’honneur aux travées pentues du Train bleu, de la splendeur du cloître des Carmes au coude à coude amical avec le voisin dans l’exigu Théâtre transversal. Du In au Off, ajuster son regard : on n’aime pas selon les mêmes critères le Soulier de satin du Français et un seul-en-scène répété à la va-comme-je-te-pousse entre deux engagements dans d’autres pièces et dont pourtant, une saillie visuelle va nous cramer la rétine pour longtemps. Ce va-et-vient entre les différents scopes du festival fait la jouissance d’Avignon. A s’en brouiller la mémoire. Attends, les tee-shirts de couleurs, c’était dans le Laaroussa Quartet du In, ou dans le drôle d’Evénement du Off ? (les deux). Sur ce point, Marie, rencontrée à la terrasse d’un café de la gare au terme de ses quatre jours de festival pourrait nous donner des leçons. Pour elle, ce n’est pas de la gymnastique mais un marathon. Avec son oncle et sa tante (77 et 79 ans), elle a vu six spectacles par jour. «L’année dernière, on en faisait sept.» Que du Off car les places du In sont trop chères. Dans son cahier, elle a collé des tableaux élaborés pendant des semaines : ligne après ligne, titre de la pièce, durée, nom du théâtre, une lettre pour le repérage sur le plan, le nombre de minutes pour aller d’une salle à l’autre. «Ah non, on ne déjeune pas quand on vient au Festival.»
Les spectacles du jour
On adore
Mami de Mario Banushi. Le metteur en scène éclaire le Festival avec une célébration sublime de toutes les maternités, pietà inversées. Sans parole, son théâtre d’images travaille en scène la picturalité d’un Botticelli rêvée par Chagall. Lire notre critique.
Jusqu’au 18 juillet au gymnase Aubanel.
On aime
Le Sommet de Christoph Marthaler. Le metteur en scène suisse entraîne le spectateur tout là-haut, dans un chalet de montagne, sorte de micromonde chaotique où plusieurs voix européennes ne semblent se comprendre qu’une fois chantées. Retrouver notre critique.
Jusqu’au 17 juillet à 13 heures et le 16 juillet à 20 heures à la Fabrica.
On aime bien
Every-Body-Knows-What-Tomorrow-Brings-And-We-All-Know-What-Happened-Yesterday de Mohamed Toukabri. Le jeune danseur et chorégraphe tunisien livre une performance au cordeau, mais dont la démonstration politique, un peu faible, laisse sur sa faim. Notre critique.
Jusqu’au 20 juillet aux Hivernales CDNC d’Avignon.
On court les voir dans le Off
Fast d’Olivier Lenel et Didier Poiteaux. Comment proposer du théâtre documentaire sans que le sujet l’emporte sur l’émotion ? Comment soutenir un propos politique sans faire passer une œuvre artistique pour une conférence TED ? On sent bien que les deux auteurs, qui «ne connaissaient rien à la mode» se sont posé la question. Au Théâtre des Doms, vitrine de la scène belge francophone, leur duo met les pieds dans le plat de la fast fashion avec une autodérision bienvenue.
Jusqu’au 26 juillet à 10h30 au Théâtre des Doms, relâche les mercredis 16 et 23 juillet.
L’Evénement de Joëlle Fontannaz. Dans un exercice de style cocasse, trois comédiens racontent, tous en même temps, l’incendie du four à pain d’une communauté new age.
Jusqu’au 20 juillet à la Manufacture à 18h15 (durée 1h15). Dans la sélection suisse.
L’interview fournaise
nathalie béasse. De passage dans la cité des Papes pour trois jours, la metteuse en scène raconte son Festival, où «tout va plus vite qu’ailleurs» : «Les spectacles me permettent d’avoir un temps à moi, de suspension.»
Le (vrai) débat
Doit-on vraiment dire EN Avignon ? Quelle est la règle ? On a posé la question aux festivaliers dans les bistrots, les rues et les files d’attente mais aussi à la linguiste Maria Candea, littéralement atterrée.
La réplique
Alors les bourges, ça consomme ?
— Tag sur le mur d'une rue d'Avignon
Tous ensemble
A la mi-temps du Festival, il a donc bien eu lieu, ce rassemblement pour Gaza et la reconnaissance de la Palestine, rassemblant 800 personnes, au doigt mouillé, sur le parvis du palais des Papes samedi 12 juillet, dont une bonne partie des directions de théâtre. Un rassemblement calme, sans prise de paroles intempestives, ni récupération par des organisations ou partis politiques. Lire notre reportage.
Une petite fête pour Rachida Dati. Alors que la rumeur d’une potentielle venue de Rachida Dati au Festival bruisse dans les couloirs, un double de la ministre de la Culture est arrivé dimanche vers 19h30, place du palais des Papes, dans un porteur à vélo recouvert d’un drap rouge vif. Reine en son carrosse, elle tient à bout de bras une paire de ciseaux géante qui fait «coupe coupe» dans la culture, sous un mélange de cris et de huées d’un public de professionnels très remonté. Organisée par le collectif Planète boum boum, cette petite fête pour Rachida Dati a rassemblé plusieurs centaines de militants et d’artistes qui ont enchaîné deux heures de chansons hilarantes dont on fredonne encore les paroles aujourd’hui : «La voici, la voilà, c’est Ra-chi-da ! Ses bijoux sont jolis, son collier resplendit.» Avec un décret qui a réduit de 114 millions d’euros les crédits de réserve du ministère, Laurent Domingos et Harold David, coprésidents de l’Association coordinatrice du Festival Off d’Avignon, parlent d’un «effondrement de notre exception culturelle». Présente également, la CGT spectacle qui a affirmé, sans détour : «On a besoin de foutre notre ministre de la Culture dehors.» Un problème, une solution.
Et dans les jours qui viennent
En fin de journée ce lundi, hommage sera rendu à la grande Oum Kalthoum dans la cour d’honneur du palais des Papes et Radio Live d’Aurélie Charon croisera les témoignages, en trois chapitres, de huit personnes venues de zones de conflit, au Rwanda, à Gaza, en Syrie, en Ukraine…
Mardi 15 juillet une célébration poétique de la langue arabe ausa lieu à la Cour du lycée Saint-Joseph (Nour, en partenariat avec l’IMA).
Mercredi 16 juillet commencera la deuxième série d’expérimentations «Vive le sujet !» avec Quelle Aurore de Soa Ratsifandrihana et Born Again de Yasmine Hadj Ali, Antoine Kobi et Ike Zacsongo-Joseph. Ainsi que la pièce immersive One’s Own Room Inside Kabul qui fera pénétrer le visiteur dans le salon d’une femme afghane.