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Libération
Journal de bord

Festival d’Avignon, jour 6 : émoi et statistiques

Ce jeudi, on tremble devant «les Perses» de Gwenaël Morin, on renouvelle le théâtre documentaire avec Emilie Rousset et on apprend le «parlé-vrai» avec l’actrice Zahy Tentehar.
«Azira’i» de Zahy Tentehar et «Article 353 du code pénal», d’Emmanuel Noblet. (Daniel Barboza et J-L Fernadez )
publié le 10 juillet 2025 à 18h06

A Avignon, des trottinettes électriques noires ont pris le pouvoir. C’est nouveau. On ne les entend pas, elles foncent dans la foule et chacun s’écarte comme il peut. Les urgences ramassent les morceaux. A Avignon, mercredi, et malgré les incendies qui rôdent pas si loin, on a essuyé une pluie de statistiques. Sur une vraie scène, ça aurait été rigolo, une performance très tendance. Mais nul goût du spectacle ne prédominait dans la présentation du rapport de l’Observatoire des politiques culturelles destiné à évaluer les évolutions de l’action publique et à saisir les dissonances éventuelles entre «le ressenti» (atroce mot) des acteurs de la vie culturelle et l’implacable réalité statistique de l’engagement économique de l’Etat et des collectivités. Guère de suspens cependant : «Si ce n’est pas un effondrement total, c’est un affaissement notable» a noté l’un des intervenants les plus optimistes. Ou encore : «20 % des départements ont baissé de plus de 20 % leur budget culture investissement.» Il a fallu attendre la fin de la conférence pour prendre la mesure de la catastrophe et que les premiers intervenants cessent de se cacher derrière leur petit doigt et les formules euphémisées : la moitié des collectivités territoriales ont voté des budgets en baisse pour la culture. Fabienne Chognard, directrice du Dôme théâtre et directrice adjointe du Syndeac, s’est attachée à montrer ce qui se cache derrière les chiffres, les baisses de diffusion, les temps de répétition, les projets moins soutenus voire plus du tout, alors même que les artistes sont actifs dans tous les services publics – écoles, hôpitaux, prisons – comme le montrait une soirée organisée il y a trois semaines par Libération au théâtre de la Colline, à Paris. Au passage, on aura appris un nouveau mot : «austéritarisme» inventé par le représentant du Syndicat national des arts vivants, Eric Vanelle. Espérons ne pas avoir besoin de l’utiliser.

Les spectacles du jour

On adore

Les Perses de Gwenaël Morin. Le metteur en scène, artiste associé au festival depuis 2023, poursuit après Shakespeare et Cervantès son travail sur les grands textes, les évidant et les fragilisant pour leur donner paradoxalement plus de corps et de verbe. Notre critique.

On aime

Affaires familiales d’Emilie Rousset. C’est une plongée dans la justice familiale, du code civil au pénal, du divorce à la GPA et aux violences intrafamiliales. La metteuse en scène fait rejouer sur scène par des comédiens les entretiens qu’elle a menés avec des avocates, des pères gays, des mères harcelées par la justice après avoir dénoncé l’inceste commis par leur conjoint… Lire notre critique.

On court le voir dans le Off

Article 353 du code pénal, d’Emmanuel Noblet. Après le succès de son adaptation de Réparer les vivants d’après Maylis de Kerangal, le metteur en scène s’attaque à un roman de Tanguy Viel qui relate le jugement d’une affaire d’escroquerie. Une fable politique sur fond de lutte des classes aux accents mystiques. Sur scène, le formidable Vincent Garanger livre une performance d’autant plus remarquable qu’elle ne passe jamais en force. Notre critique lors de son passage au théâtre à Paris cet hiver.

Au 11•Avignon, jusqu’au 24 juillet (relâche les 11 et 18 juillet) à 21 h 45 (1 h 35).

Le portrait

Zahy Tentehar. La comédienne arrive de très loin, une ville indigène du Nordeste brésilien, pour envoûter les spectateurs du Off dans un seule en scène, Azira’i, qui explore sa relation conflictuelle avec sa mère chamane et son héritage spirituel.

La réplique

Est-ce que ce n’est pas un interstice qui comble tout ce qui n’est pas quelque chose ?

—  Entendu à la cour d'honneur, à propos de l'intersection entre danse et théâtre dans «Nôt», de Marlène Monteiro Freitas

Et demain ?

Dieu s’est reposé le dimanche mais pour le patron du Festival, Tiago Rodrigues, c’est plutôt le vendredi. Pas de nouveaux spectacles vendredi dans le In, l’occasion de courir les plus petits théâtres de la ville à la découverte des pépites du Off (notre sélection est ici), ou bien de rattraper son retard en allant voir la dernière représentation de Nôt, de Marlène Monteiro Freitas, la nouvelle création de Tiago Rodrigues, encore lui, la Distance, ou bien Magec /The desert de Radouan Mriziga, pour ne citer que trois de nos favoris.