On n’identifie pas immédiatement la langue dans laquelle Zahy Tentehar s’adresse aux spectateurs sur le plateau nu de la Manufacture. Et pour cause : la jeune femme aux très longs cheveux noirs s’exprime dans sa langue maternelle, le ze’eng eté, qui signifie «parlé vrai», et qui n’a rien à voir avec le portugais brésilien qu’elle parle également sur scène mais qui est pour elle pire qu’une langue étrangère : celle de l’acculturation et du colonisateur. Au mieux, un outil.
Zahy Tentehar est née et a grandi dans un village indigène du Cana Brava dans le nord-est du Brésil, dans la forêt amazonienne. Pas d’électricité mais un ciel beaucoup plus étoilé qu’en ville, un coq de compagnie, beaucoup de chiens, une végétation et des arbres chéris, un sol en terre battue dans la cuisine commune avec au milieu un grand feu, et une mère «pajé suprême», autrement dit chamane, invitée à soigner tous les maux, physiques et psychiques grâce à trois méthodes qu’elle maîtrisait à la perfection : les chants, le toucher et les plantes. Dans sa civilisation, il est entendu que les mères chamanes transmettent leurs dons à leur fille cadette. Zahy Tentehar n’est pas chamane, mais elle chante exactement comme sa mère sans jamais que cette dernière n’ait cherché à lui enseigner sa pratique. Mais que se passe-t-il lorsque la chamane partie vivre avec ses enfants en périphérie de la ville la plus proche pour qu’ils soient scolarisés, est à son tour envahie par une «perturbation» qu’il faudrait so