Edward Bond est mort dimanche dernier. Lui, qui avait écrit le poème de sa naissance, entre Auschwitz et Hiroshima. Qui écrira le poème de sa fin entre le Kivu, Kyiv et Gaza, en ces temps anxiogènes où le nationalisme d’extrême droite s’étend en rampant dans tout le monde occidental ?
Il y a vingt-cinq ans, prenant connaissance de son œuvre, je recevais une déflagration intellectuelle et sensible. C’était à Marseille : Danielle Bré, metteuse en scène et universitaire qui dirigeait la section théâtre de la faculté d’Aix-en-Provence réunissait des artistes de plusieurs générations autour de l’œuvre du dramaturge. Moi, accompagnée par le Théâtre des Bernardines, dirigé par Alain Fourneau et par Mireille Guerre, je débutais un travail artistique qui tentait de croiser politique et exigence artistique. J’avais mis en scène Brecht en rap avec des enfants et des jeunes interprètes, un montage de textes d’Ovide et de Xavière Gauthier sur la sexualité féminine dans les bars de la Plaine, commandé une adaptation dystopique et antifasciste de Roméo et Juliette à des rappeurs, écrits des performances à partir de discussions avec mes voisines prostituées qui travaillaient dans la rue Sénac ou de l’expérience c