Et si on inventait qu’Emile Ajar, auteur bien connu de la Vie devant soi et double de Romain Gary, avait eu un fils ? Et si on disait que ce fils, Abraham Ajar, était resté reclus dans une cave ? Et s’il se mettait à nous parler ? Et s’il disait parfois des horreurs tout en interprétant des histoires juives ? C’est avec ce genre d’hypothèse que Delphine Horvilleur a écrit Il n’y a pas de Ajar, d’abord en imaginant que ce serait un homme qui le jouerait, puis en l’offrant à une comédienne, Johanna Nizard. C’est un spectacle excessif qu’on pense détester et qu’on se surprend à aimer, à moins que ce soit l’inverse. Et comme on ne sait plus ce qui l’emporte dans cette météo des sentiments affolés, on va le revoir. Un spectacle «too much» comme dit son instigatrice la rabbin du judaïsme en mouvement et directrice de la rédaction de Tenou’a, Delphine Horvilleur, aussi bien dans sa forme, la tessiture du son un peu trop forte, les lumières qui éblouissent, le propos parfois trop direct autour de la Shoah et le traumatisme qui se lègue chez les humains comme il s’expérimente sur les souris.
Mais en permanence, la comédienne Johanna Nizard, qui ne cesse de se métamorphoser à vue, tel un caméléon cher à Romain Gary, stupéfie. Non seulement elle porte le texte, mais elle donne le sentiment qu’on ne l’a jamais ouvert même si on vient de le lire. On a rendu visite à Delphine Horvilleur, Johanna Nizard était là, présence forte, qu’on ne reconnaît pas puisqu’elle