Cet article a été initialement publié dans Libé le 2 mars 1982.
Le cocker fou n’est pas content, mais pas content du tout de mon intrusion, pourtant aussi discrète que possible. Costume gris foncé et démarche menue, son maître surgit et le chien se calme. Il me désigne de la main un cosy sur lequel je m’assieds du bout des fesses. On ne sait jamais, le chien pourrait revenir et m’abreuver à nouveau de quelques abois vengeurs. (Ce qu’il ne manquera d’ailleurs pas de faire à deux ou trois reprises au cours de la conversation.) Il ne reste plus qu’à poser avec précaution le magnétophone sur un guéridon. Contact !
LIBÉRATION. — De quoi est faite la pièce qui porte votre nom et que Planchon met aujourd’hui en scène à Villeurbanne ?
EUGÈNE IONESCO. — C’est une pièce qui raconte mes rêves, mes cauchemars, mes obsessions oniriques.
Quelles obsessions ?
Quelques obsessions reviennent la nuit, durant mon sommeil. Le conflit avec mon père, avec son épouse, la misère des petites gens…
S’agit-il des éléments constitutifs de votre pièce ?
Oui. Cette pièce est une série de scènes qui ferait trois heures et demie si on la jouait tout entière. Le metteur en scène a choisi celles qui lui convenaient.
Ces scènes sont-elles reliées par un thème ?
Elles tournent toutes autour du thème des Voyages chez les morts (éd. Gallimard), le voyage étant saisi dans son acception initiatique.
Et les personnages ?
Que je le veuille ou non, ces personnages que je r