Devant une dizaine de bancs en bois de la cour du Cloître Saint-Louis où spectateurs, artistes et journalistes se serraient en rang d’oignons ce lundi 15 juillet, Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, et Pierre Gendronneau, son directeur délégué, ont levé le rideau sur quelques choix de la prochaine édition, et fait un bilan de la fréquentation alors que le festival attaque sa troisième et dernière semaine. L’ouverture avancée d’une semaine de l’événement (en raison des Jeux olympiques) et la dissolution surprise de l’Assemblée nationale on bien provoqué un «ralentissement» des réservations, ont-ils confirmé, mais n’ont pas eu d’effet dévastateur. Pierre Gendronneau a annoncé un taux de fréquentation de 92% pour la première semaine et de 97% pour la seconde. Sur la totalité de sa dernière édition, le Festival avait déclaré un taux de participation de 94%.
Pour son édition 2025, la langue arabe sera l’invitée du Festival «In», et Marlene Montero Freitas chorégraphiera le spectacle d’ouverture dans la cour du Palais des Papes. La chorégraphe cap-verdienne, qui avait remporté un lion d’argent à la Biennale de Venise en 2018, sera aussi «l’artiste complice» de cette édition, récupérant ainsi le flambeau que tenait Boris Charmatz cet été.
Après l’anglais et, cette année, l’espagnol, la langue arabe sera donc mise à l’honneur pour cette troisième édition dirigée par le metteur en scène portugais, choix assorti d’un partenariat avec l’Institut du monde arabe, dont le directeur, Jack Lang, participait à cette rencontre avec le public. «Une langue pont», explique Rodrigues, «d’une énorme richesse patrimoniale, d’une énorme diversité contemporaine, mais qui nous a aussi fait parvenir à travers les siècles de nombreuses connaissances». Pour Jack Lang, cette langue est avant tout un dialecte «multiséculaire», parlé par «les juifs, les musulmans, les chrétiens, les non-croyants». C’est un sujet de connaissances et d’art, raison aussi pour laquelle l’arabe avait été enseigné au Collège de France, sur décision de François Ier, rappelle-t-il.
Un choix qui résonne aussi politiquement, comme le rappelle l’ancien ministre de la Culture sur scène, car la langue arabe fait, selon lui, l’objet de «clichés» et de «mépris», qui sont «cultivés par le parti dont on a évité l’accès au pouvoir». Mais ce n’est pourtant «pas un choix qui s’inscrit dans le contexte politique», explique Tiago Rodrigues à Libération, car «l’arabe le précédait. […] C’est un choix profondément culturel et artistique». Le directeur promet d’offrir au public «la richesse, les lumières, la connaissance qui encapsulent cette langue historiquement, mais aussi aujourd’hui».
Depuis deux semaines, le Festival d’Avignon n’a pas eu peur de s’engager, comme lors de sa «Nuit d’Avignon», organisée le 4 juillet pour lutter contre l’extrême droite, dont Rodrigues s’est félicité. Il a aussi dit son étonnement face à certaines critiques lui reprochant sa prise de parole politique en tant que directeur de Festival : «Imaginez que quelqu’un dise cela à Jean Vilar.»