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Danse

La théorie de révolution du breaker Nicolas Fayol

Le jeune danseur invente dans «Faire fleurir» la danse d’une évolution alternative de l’homme qui se serait arrêtée à quatre pattes. Une chorégraphie à la fois préhistorique et postapocalyptique.
Dans un décor de science-fiction, Nicolas Fayol revisite en une petite heure l’évolution de l’homme. (Collectif Hinterland)
publié le 14 novembre 2023 à 17h52

Ce n’est pas un jeune breaker qu’on voit danser, c’est le Dieu Cerf de Princesse Mononoké. Souvenez-vous de cet animal divin marchant dans la forêt magique d’Hayao Miyazaki, de la qualité silencieuse de chacun de ses pas sur l’eau. Sous ses sabots sacrés naissent, fleurissent et meurent en une seconde à peine, différentes espèces végétales. Le cycle de la vie en accéléré. C’est dans cette empreinte majestueuse que Nicolas Fayol, en appui sur les phalanges, glisse pieds et mains dans un étonnant et beau solo en forme de capsule temporelle justement intitulé Faire fleurir. Le danseur y orchestre, comme dans le conte écolo de Miyazaki, de nouveaux liens entre homme et animal, technologie et primitivité.

«Caverne sans paroi»

La lumière et l’épure de la petite scène autour de laquelle nous sommes disposés en carré rappellent quelque chose du Premier Contact de Denis Villeneuve. Et c’est au 2001 de Stanley Kubrick que l’on pense aussi avec ce mini-monolithe noir d’à peine 30 centimètres. En équilibre, le danseur s’y perche dans une forme arachnoïde comme l’enfant-loup de Miyazaki se perche sur son bâton de guerrière. C’est dans ce décor de science-fiction que Nicolas Fayol revisite en une petite heure l’évolution de l’homme, du quadrupède au bipède, à ceci près que la station debout, verticale, n’a jamais existé ou a été dépassée.

Un plafond anormalement bas empêche le corps de se redresser. Dans cette «caverne de voiles sans paroi» (selon les mots de l’auteur), préhistorique ou postapocalyptique, se déploie alors une danse sous la contrainte d’un horizon parfaitement bouché et tenue de trouver ses propres solutions. Appelons ça breakdance, mais dans une version non codifiée, qui en reprendrait juste l’élixir pour faire jaillir d’étonnantes images. Mi-bonobo, mi-T-rex, mi-enfant, mi-vieillard, on ne sait à quel âge du monde elles appartiennent vraiment.

Retour vers le futur

On imagine tout de suite les ravages que de mauvais chorégraphes auraient pu faire avec cette idée de plafond abaissé : le piège étant de se rebeller et d’offrir la métaphore lourdingue de l’homme en lutte contre un avenir pourri, s’agitant comme une mouche dans son bocal pour l’élévation de la civilisation. Au lieu de quoi Nicolas Fayol, repéré comme danseur chez Christian Rizzo ou comme membre du collectif Hinterland avec Mehdi Baki, construit ici la vision plus étonnante d’une sorte de «retour vers le futur» du corps humain, hybride en âges et en espèces, explorant son troublant pouvoir d’adaptabilité.

Faire fleurir de Nicolas Fayol, le 14 novembre au CDCN de Toulouse. Le 3 mai à Florac, les 27, 28 à Albi, les 30 et 31 mai à Couffoulens, les 8, 9 juin au festival Uzès Danse.
Ohho, du même chorégraphe, en duo avec Mehdi Baki, tournée entre le 14 et le 22 mai, Scène nationale d’Albi.