Du nez au phallus, il y a apparemment peu : le Cyrano nouveau d’Emmanuel Daumas, qu’on donne sur la scène de la Comédie-Française après le succès renouvelé de la version Podalydès, joue littéralement la carte sexuelle tout en se gardant bien – Français oblige – de choquer son public. Le héros d’Edmond Rostand, interprété par un Laurent Lafitte agile et sensuel en diable, débarque affublé d’une énorme proéminence postiche, qui concentre à elle seule l’affaire du spectacle : la laideur et la vitalité, le ridicule et la grandeur, le grotesque et le sublime.
Sur un plateau qui ressemble d’abord à un gros Ferrero Rocher – doré froissé en fond de scène, podium en faux marbre rose – les jeunes membres de la Comédie-Française abordent Cyrano de Bergerac en cabaret vaguement queer, prenant des poses, faisant des mines, travestissant leurs costumes d’époque en un habile tour de main. De fait sur le texte règnent les hommes, rassemblés en un collectif dont le potentiel homoérotique fait une des matières sensibles du spectacle : les fiers cadets de Gascogne que dirige notre héros et fine lame, parmi lesquels le jeune Christian, amoureux de Roxane, la cousine de Cyrano qu’il adore aussi en secret. Trois heures durant le spectacle, très divertissant, circule entre la comédie et le mélodrame, parfois à gros sabots.
Il faut dire que Cyrano, c’est du lourd. Les alexandrins qui cousent le texte sont bourrés à ras de métaphores filées à l’excès, d’allitérations envahissantes