Les applaudissements n’en finissent pas et les spots, sur le plateau, font cligner des yeux la danseuse cap-verdienne Luciény Kaabral, qui s’est détachée du groupe pour venir saluer à l’avant-scène. Une fois le regard stabilisé, la soliste esquisse un sourire hagard en découvrant l’énormité du mur de spectateurs, debout en face, qui enchaînent les hourras. Pourquoi tant d’amour ? Premièrement, parce que l’on fête ce soir, près de cinquante ans après sa création, la reprise du Sacre du printemps de l’Allemande Pina Bausch, chorégraphie monstre en forme de guerre des sexes primitive, violente, érotique, se terminant − ancestral pitch pré-MeToo − par le sacrifice d’une femme, l’«Elue», choisie par les hommes pour danser jusqu’à la mort. Ensuite, de l’amour parce qu’on n’en finit pas d’halluciner devant l’intensité inébranlée de ces lancés de bras, de ces jets de torses en hyper-extension, de ces déploiements de gorge à vif, de ces dérapages pieds nus dans la tourbe fraîche qui salit les peaux et souille les robes. Parce qu’il est très rare, enfin, de voir cette œuvre clé de l’histoire du spectacle interprétée par d’autres corps que ceux de la compagnie allemande de Wuppertal − ce n’est arrivé que quatre fois depuis la création de la pièce en 1975 − et qu’il est même exceptionnel de voir ce monument interprété par 36 danseurs africains origi
Danse
«Le sacre du printemps», l’éros des sables
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Un ancestral pitch pré-MeToo. (Maarten Vanden Abeele/Théâtre de la Ville)
par Ève Beauvallet
publié le 23 septembre 2022 à 0h10
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