Cette semaine, enfin, on peut parler de «rentrée théâtrale», les scènes remontent leur rideau de fer un brin rouillé un peu partout, et, oh étonnement sous nos yeux ébahis, s’y révèlent le grand retour du… texte ! Un cadavre ? Pas du tout. De Jon Fosse, prix Nobel de littérature, programmé en majesté à la Comédie Française et au T2G à Gennevilliers, à Laurène Marx dont le cercle des afficionados ne cessent de grandir et qui propose deux nouvelles créations à Théâtre Ouvert à Paris, en passant par la reprise du Passé de Julien Gosselin d’après Léonid Andreïev ou encore dans un autre genre, l’adaptation de La chair est triste hélas d’Ovidie, avec Anna Mouglalis, au Théâtre de l’Atelier, sans compter La guerre n’a pas un visage de femme de Svetlana Alexievitch, monté par Julie Deliquet, les autrices et auteurs, un peu escamotés ces dernières années par nombre d’écritures collectives et improvisations au plateau, sont bien au centre du game. Et sinon, il y a urgence : ne pas oublier de faire un tour à la maison des métallos qui accueille dans le cadre du festival d’automne la turbulente Casa do Povo brésilienne.
Théâtre
«Portrait de Rita» de Laurène Marx
C’est la comédienne Bwanga Pilipili (qui incarne Rita, seule sur la scène) qui la première a parlé de cette mère camerounaise à l’autrice et metteuse en scène Laurène Marx: le fils de Rita a été plaqué au sol, un genou de policier sur le cou, dans son école. Il avait 9 ans. Laurène Marx a longuement rencontré Rita et dresse dans cette pièce forte, brutale et pourtant souvent drôle, le portrait d’une femme noire en Belgique, victime du racisme. Laurène Marx présente aussi Jag et Johnny et Pour un temps soit peu à Théâtre ouvert.
De et mis en scène par Laurène Marx à Théâtre ouvert dans le cadre du festival d’automne jusqu’au 30 septembre.
«Le Passé» de Julien Gosselin, d’après Léonid Andréïev
Pendant plus de quatre heures, le spectacle accumule les artefacts anciens – costumes d’époques, rampe de bougies, portes qui claquent, auxquelles se superposent les techniques de Gosselin : la vidéo en direct, la musique live. Le spectacle le déploie autour d’une œuvre méconnue, celle de Léonid Andreïev, écrivain russe mort en 1919 après maintes tentatives de suicide. Notre critique.
Au Théâtre de l’Odéon jusqu’au 19 décembre dans le cadre du Festival d’automne à Paris, puis en tournée.
«Jérusalem» d’Ismaël Saidi et «On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie» d’Eric Feldman
Jérusalem et On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto… à l’affiche à Paris, explorent avec justesse, force mais aussi humour l’impact des traumatismes familiaux sur le rapport à l’autre d’enfants de survivants de la Shoah ou d’exilés de la Nakba. Notre critique.
au théâtre des Mathurins (75008), du 17 septembre au 31 décembre. Et au théâtre du Petit-Saint-Martin (75010) jusqu’au 26 octobre.
«Maintenant je n’écris plus qu’en français» de Vyctor Kyrylov
Dans un sensible seul en scène au théâtre de Belleville, l’Ukrainien Viktor Kyrylov raconte comment la guerre a fait naître chez lui un sentiment d’appartenance à son pays qu’il avait quitté pour s’installer à Moscou. Notre critique.
«Valentina» de Caroline Guiela Nguyen
Dans une nouvelle pièce poignante, la directrice du TNS tisse un conte autour du lien entre une mère malade et sa fille qui lui sert d’interprète, incarnées par deux formidables actrices amatrices. Notre critique.
Du 16 septembre au 3 octobre au Théâtre national de Strasbourg.
«Une mouette» d’Elsa Granat, d’après Anton Tchekhov
Elsa Granat explose le classique fataliste d’Anton Tchekhov, y injectant justesse et compassion dans une mise en scène puissante. Notre critique.
A la Comédie-Française Richelieu, à Paris, du 11 septembre au 11 janvier 2026.
«Affaires familiales» d’Emilie Rousset
Divorce, GPA, violences familiales… Dans un savant dispositif jouant du décalage entre les témoignages récoltés auprès d’avocates ou de justiciables et leur représentation sur le plateau, la metteuse en scène s’interroge sur l’impact du droit sur nos vies intimes. Notre critique lors du festival d’Avignon.
Du 19 septembre au 3 octobre au Théâtre de la Bastille (dans le cadre du Festival d’automne).
«Avignon, une école» de Fanny de Chaillé
Jouant avec les archives, la metteuse en scène et ses jeunes comédiens s’emparent de l’histoire du Festival d’Avignon dans une drôle de pièce, truffée de références artistiques, jamais excluante. Notre critique, lors du festival d’Avignon 2024.
Du 30 septembre au 4 octobre au TNBA de Bordeaux.
«Qui som» de Baro d’Evel
Pour sa première création au Festival, la compagnie franco-catalane fait résonner rires fous, énergie politique et beauté formelle, avec parfois un air de déjà-vu. Notre critique.
Les 5 et 6 septembre à Anthéa, à Antibes (Alpes-Maritimes), du 25 au 27 septembre au Grand théâtre de Provence, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).
«La guerre n’a pas un visage de femme» de Julie Deliquet, d’après Svetlana Alexievitch
Les viols, les combats, puis l’invisibilisation dans l’histoire officielle… Les engagées volontaires soviétiques de la Seconde Guerre mondiale sortent de l’ombre au Printemps des comédiens à Montpellier, où les non-dits deviennent criants. Un spectacle vibrant qui résonne avec l’actualité ukrainienne.
Au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) du 24 septembre au 17 octobre.
«Woke» de Virginie Despentes
Pour sa première mise en scène, l’autrice met en abyme le processus d’écriture à quatre, avec ses difficultés, à l’origine de cette création. Une ode à la force des vulnérabilités coalisées. Notre reportage lors des répétitions.
Du 24 septembre au 2 octobre 2025 au Théâtre public de Montreuil (Seine-Saint-Denis), les 7 au 8 octobre au Quai CDN d’Angers (Maine-et-Loire).
«Lucky Flash» au festival Spot
Simon tombe par hasard sur un vieil appareil photo jetable dont le propriétaire vivait en RDA… Quelles photos peut-il bien contenir ? Quelle vie se cache dans cette boîte noire en carton ? Quatre amis vont tenter de retracer la vie de ceux qui étaient devant et derrière l’objectif, et se faire un film. Cette pièce de Blanche Adilon-Lonardoni avait été repérée au printemps au festival WET du CDN de Tours consacré à la toute jeune création. Elle sera cette fois montrée à Paris dans le cadre du festival Spot du théâtre Paris Villette. On pourra aussi y voir Génération Mitterrand de la série de Léo Cohen-Paperman Huit rois (nos présidents).
Festival Spot, au Théâtre Paris Villette, du 8 au 19 septembre.
La Casa do Povo à la maison des métallos
L’inclassable institution juive laïque, fondée juste après la Shoah, ouvre grand ses portes à tout ce que la mégalopole brésilienne compte de minorités. Visite de cette utopie avant qu’elle débarque à la Maison des métallos, à Paris, dès le 13 septembre. Avec notamment le collectif interdisciplinaire Mexa pour la première fois en France du 18 au 27 septembre. Notre reportage
Carte blanche de la Casa do Povo, du 13 au 27 septembre à la Maison des métallos 75011, dans le cadre du Festival d’automne. Dont le collectif Mexa 18 au 27 septembre
Danse
Biennale de la danse à Lyon : Lia Rodrigues
La danseuse et chorégraphe brésilienne, à la fibre politique, a présenté sa dernière création, «Borda», lors de la Biennale de la danse à Lyon les 6 et 8 septembre. L’occasion de revenir sur près de cinquante ans de carrière. Notre portrait.
Borda de Lia Rodrigues, au Cent-Quatre-Paris du 12 au 17 septembre ; à Chaillot du 19 au 21 septembre ; à L’Azimut le 24 septembre ; à la Joliette à Marseille les 27 et 28 septembre ; à La Comédie de Valence les 2 et 3 octobre, à la Comédie de Clermont-Ferrand les 6 et 7 octobre.
C’est ici pour retrouver l’ensemble de nos sélections expositions, ciné le mercredi, musique et séries. Ainsi que le Top 10 de la semaine le samedi. Tout ce qui nous a plu (et parfois déplu) dans l’actualité de la culture.