Menu
Libération
Sur les planches

«Maître obscur», de Kurô Tanino : ici la Voix

Article réservé aux abonnés
Le metteur en scène japonais ouvre avec brio la saison théâtrale en fabriquant une société manipulée qui ne connaît pas ses dirigeants. Une nouvelle version de sa pièce «The Dark Master».
Dans «Maître obscur», les personnages obéissent à la voix sans résistance, soulignant un sentiment d'aliénation et de banalité. (Jean Louis Fernandez)
publié le 22 septembre 2024 à 22h01

Il faut avancer casqué dans la grande salle du théâtre de Gennevilliers, une petite musique entre les oreilles, jusqu’au moment où une voix prend le relais, voix qui ne nous lâchera pas jusqu’à la fin. C’est ça, l’expérience de cette nouvelle version de Maître obscur signée Kurô Tanino, génie de la mise en scène de retour au T2G (théâtre de Gennevilliers) avec cette nouvelle version de sa pièce The Dark Master. En 2018, c’était dans un restaurant que le chef cuisinier misanthrope demandait à un client de prendre sa place et lui proposait de le diriger via une oreillette depuis l’étage. En 2024, le décor a changé, toujours naturaliste, cuisine formica, salon et chambre au kitch middle class, et des photos de famille qui traînent un peu partout. Des photos dont on comprend vite qu’elles n’ont rien à voir avec les cinq «pensionnaires» qui arrivent les uns après les autres en salopette grise, sorte de turbulette pour adulte.

«Et si on se changeait ?» demande la voix dans notre casque. Quelle bonne idée ! Les comédiens reviennent fringués seventies pour Gaëtan Vourc’h, en chemise col pelle à tarte sous débardeur à losanges, robe de trop grande petite fille pour Mathilde Invernon, jusqu’à ce short à bretelles inspiration bavaroise pour Jean-Luc Verna… Personne n’a de nom, personne ne semble se connaître, et tout le monde s’en fiche. Ce qui les relie ? La voix, à laquelle ils obéissent avec une nonchalante passivité. Une voix sans visage, «obscure», qui m