Le plateau est oblique et, nonobstant la sobriété du dispositif – juste complété par un vieux deux-roues motorisé et un casque suspendus –, cela veut bien dire que quelque chose cloche dans la vie de «Monsieur Motobécane» qui, de fait, vacille. Seul sur scène, bien que d’abord en retrait, le personnage ne tarde pas à s’ouvrir du mélange d’incrédulité et de colère qui l’habite depuis qu’on l’a arrêté et jeté en prison. Ma «chambre à barreaux», comme il dit, avec ses mots à lui, qu’on ne saisit pas toujours à la syllabe près même si le sens général de la confession transparaît sans équivoque, assez désarmante de sincérité ingénue. Car sans être exactement un simple d’esprit, Victor, de son vrai prénom, n’en mène pas moins une existence marginale, dans cette cambrousse où il est né et a grandi – «Rouler toute la journée sur el mobylette bleue, respirer el bon air à campagne, ça m’suffit au plaisir ed la vie.»
Langue imagée
Une existence de presque rien, passée à ramasser les bouteilles vides et à collectionner les étiquettes de châteaux et domaines dont il ne dédaigne pas siroter les nectars à l’occasion. Il y a une sœur et un beauf alcoolo aussi, qui habitent juste en dessus de la chambre qu’il occupe, sans que personne se soucie de ce qu’il peut bien y faire. Et puis cette «tiote», rencontrée par hasard, un jour, sur le bord de la route, qui télescope sa solitude et à laquelle, pardi, il s’attache vite. Au point de la soustraire à un environnement familial non moins ingrat et