Dans une rue du XVe arrondissement de Paris, une fillette observe des fourmis se faufiler entre deux pavés. Il est 9 heures du matin et elle attend un car avec sa famille et une foule de spectateurs de théâtre habillés comme des randonneurs. Etonnant tableau. Il nous ramène à ce jeu auquel on s’amusait enfant sur la route des vacances. Lorsqu’on croisait un groupe sur une aire d’autoroute qui avait l’air de n’avoir rien à faire ensemble, on se demandait où il pouvait bien aller. Ce samedi fin juillet, la réponse a de quoi surprendre. Ces gens vont à une randonnée théâtrale de sept heures aux alentours de l’abbaye Port-Royal des Champs (Yvelines), assister à une adaptation de Que ma joie demeure de Jean Giono par Clara Hédouin. Ce qui expliquerait pourquoi cette enfant scrute un reste de vie sauvage sous la dalle parisienne. Ses parents ont dû la préparer à cette célébration de la ruralité, au point qu’elle cherche partout animaux et végétaux dans les entrailles d’une Lutèce bétonnée.
En tout cas, au gré de cette déambulation théâtrale d’une journée, c’est tout un monde agricole disparu qui réapparaît dans la vallée de Chevreuse, plaine francilienne où paissaient pendant des siècles des troupeaux de chèvres dont on tannait le cuir. L’ode d’un retour à la terre n’accouche pas uniquement d’œuvres réactionnaires (hier : les écrivains d’extrême droite à la Maurice Barrès) ou d’urbains venus réfléchir à la fin de l’humanité dans une nature «gentille» et reposante. Elle peut