Qu’on adore ou qu’on déteste le lyrique, il faut se précipiter à l’Opéra de Paris où Romeo et Juliette, de Gounod, fait son retour après trente-huit ans d’absence. Parce que c’est un modèle du genre, dans lequel musique, chanteurs, décors, costumes et lumières œuvrent à entraîner le spectateur dans un autre monde où des personnages, animés de passions extrêmes, se livrent à des actions qui le sont autant. Certes, à l’opéra, le drame est contenu dans la partition, c’est pourquoi on le donne parfois en version de concert mais jamais sans musique. Dès les premières secondes de la nouvelle production, dévoilée à Bastille le 17 juin, certains ont grincé des dents. Le fait que Thomas Jolly ait remplacé la Vérone de la pièce de Shakespeare par le Paris nocturne de la comédie musicale The Phantom of the Opera, laissait redouter un festival d’idées oiseuses et d’interprétations farfelues, venant dénaturer l’ouvrage et perturber l’écoute.
Une science du plateau galvanisante
C’est le contraire qui se produit. Non seulement Jolly raconte idéalement l’histoire d’amour tragique de Roméo Montaigu et Juliette Capulet, ayant inspiré compositeurs et cinéastes, mais il met en scène la musique ! Même chose en ce qui concerne le décor unique, signé Bruno de Lavenère, reproduisant le grand escalier «Napoléon III» du Palais-Garnier et pivotant sur lui-même. Si l’on fut consterné, en 2002 à Salzbourg, par le Don Giovanni de Martin Kusej, réduisant les situations dramatiques du chef-d’œuvre de Mozart à un carrousel