Sous le ciel constellé de superstars du rire de plateforme, et au milieu d’un paysage en proie à une surenchère scénographique, l’apparition d’un seule-en-scène aussi modeste que The Dark Queen, filmé en club (pas n’importe lequel : le Comedy Cellar de New York) au lieu d’un théâtre ou d’un Zénith, a quelque chose de la comète anachronique, ou de la préservation d’une production bio en marge du stand-up de stade. Elle n’aurait pas eu lieu sans la recommandation de Louis C.K., qui met en scène ce spectacle sans la moindre affèterie, voire avec un dénuement ostentatoire, comme un manifeste pour un stand-up dégraissé.
Le magnétisme paradoxal d’Adrienne Iapalucci tient à l’anonymat de son profil, New-Yorkaise périphérique de la petite quarantaine, ni belle ni moche, de gauche mais pas trop, en léger surpoids : une femme qu’on croise sans la voir, qui n’a rien à faire sur scène, donc tout. Une quasi-Karen, qui en joue d’ailleurs dans un long passage sur la propension des femmes blanches à appeler la police quand elles voient un Noir, et qui si elle n’atteint jamais vraiment la stratosphère, installe et maintient une électricité nonchalante, au fil d’une heure de considérations profanatoires pas toujours très loin des saillies un peu faciles de certaines stars masculines, sauvées néanmoins par son style plus désinvolte et ambigu que celui des gourous anti-wok