«C’était ma maison, ma famille.» Depuis la mi-mai, le portable de Jérémy vibre tous les jours de messages écrits depuis l’Australie, la Roumanie, le Canada. «Ce sont d’anciennes danseuses ou danseurs, qui ne travaillent plus dans l’établissement depuis parfois vingt ans, et qui témoignent de leur soutien.» Jérémy Bauchet, 35 ans, maître de ballet au Lido, cultissime cabaret des Champs-Elysées dans lequel il est entré comme danseur à 19 ans, s’apprête à tourner une page de sa vie. Le 12 août, fini les hectolitres de laque, les saxos qui s’arrachent, les semi-remorques de plumes d’autruche, les femmes-oiseaux et les fesses rouge-gorge. Fini les piscines ou patinoires amovibles installées sur le plateau, fini les dromadaires galopant derrière des hélicoptères en feu au son de riffs de guitare infernaux. Fini Las Vegas à Paris. Etait-il grand temps d’en finir avec cette conception du divertissement ? Dans quelques semaines en tout cas, le monde d’après aura défoncé à la pelleteuse la France d’avant, celle de Drucker et des enterrements de vie de garçon.
Fin de la mémoire collective
Créé en 1946, charriant tout ce que l’après-guerre a pu concentrer de rêve américain, le Lido de Paris va disparaître, écrasé par un passif de 80 millions d’euros, le résultat de dix années de pertes qui ont convaincu son propriétaire, la société de restauration collective Sodexo, de jeter l’éponge. Pour mieux renaître, a trompetté le repreneur, le géant français de l’hôtellerie Accor. La World Company va débarquer a