La pièce se clôt sur une pancarte : «Méfiez-vous de vos désirs. Ils arrivent.» Nul besoin de pancarte cependant pour saisir qu’en nous plongeant au sein de l’ultra-collaborationnisme d’écrivains français pendant la Seconde Guerre mondiale, en matraquant leurs arguties et leurs phrasés, le metteur en scène Sylvain Creuzevault creuse les racines de la montée du fascisme aujourd’hui, telle qu’elle ressemble de moins en moins à un mauvais songe. Pierre Drieu la Rochelle, Lucien Rebatet, Robert Brasillach ne se contentaient pas de rêver le pire, ils le légitimaient. Edelweiss [France fascisme] s’ouvre sur le procès de l’auteur de Notre avant-guerre, 35 ans, ancien brillant sujet de l’Ecole normale supérieure, qui sera fusillé en 1945. C’est une jeune actrice, Charlotte Issaly, qui l’interprète, ce qui ne semble en rien étrange. A un autre moment de la pièce, mais cette fois-ci dans une vidéo projetée sur un écran qui couvre toute la cage de scène, elle sera, en très gros plan, Cristina Boïco, résistante immigrée roumaine réfugiée en France, à la FTP-MOI. C’est dire l’ampleur du projet de Creuzevault qui ne cesse de se diffracter, de nous entraîner dans une myriade de récits, constamment incarnés, jamais illustratifs. Le théâtre ne nous fait pas cours, ne nous assène aucune leçon, mais expérimente des situations historiques avérées qu’il rend tangi
Théâtre
Sylvain Creuzevault, auteur de la pièce «Edelweiss [France fascisme]» : «Il faut connaître la genèse de l’extrême droite, sinon comment la combattre ?»
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Sylvain Creuzevault (au centre) à Eymoutiers (Haute-Vienne), en mai. (Jean-Louis Fernandez)
publié le 25 septembre 2023 à 17h00
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