L’avantage avec les marionnettes, c’est que lorsqu’elles s’usent ou se brisent, elles peuvent être remplacées sans trop de scrupules, ni conflit d’ego. Les milliers de figurines de The Kamp, spectacle qui tourne depuis plus de vingt ans et provoque une sidération et un émoi intacts, ne se détériorent pas. Très peu ont été renouvelées. Et pour cause : elles sont déjà au bord de la brisure, fantastiquement expressives, à la fois oniriques et hallucinantes au sens propre : elles font voir l’irreprésentable.
The Kamp : où comment figurer précisément, avec moult détails, Auschwitz-Birkenau sur une scène de théâtre en échappant radicalement à l’obscène. C’est à Charleville-Mézières (Ardennes) où se tient la très riche vingt-troisième édition du festival mondial de marionnettes que l’on découvre la création de la compagnie néerlandaise Hotel Modern fondée en 1997. Trois artistes-interprètes sur scène, de gris clair vêtues, qui en l’occurrence n’interprètent rien, mais font interpréter le quotidien d’Auschwitz sur une grande maquette par des marionnettes hautes comme des soldats de plomb. Elles les tirent par des fils, les déplacent tout en s’introduisant avec de toutes petites caméras dans les différents espaces du camp et en s’attardant sur leur étonnement horrifié devant l’incompréhensible, leurs gestes, leur singularité dans la foule. Bruits de cailloux que les figurines concassent, crissements, trains qui arrivent, débarquement.
Accalmie soudaine
On entend les oiseaux, l’eau en guise