Publié en 2016, Tropique de la violence n’était pas passé inaperçu. A telle enseigne que pas moins de quinze prix littéraires (même s’il ne s’agissait pas des plus convoités) avaient célébré l’écriture incisive de la journaliste et romancière, Nathacha Appanah, autrice originaire de l’île Maurice, qui signait là son sixième roman.
Construit sous forme de monologues, Tropique de la violence ressasse le destin tragique d’adolescents, abandonnés à eux-mêmes à Mayotte. «Une île nichée dans le canal du Mozambique», aux antipodes des préoccupations hexagonales, avec son lot XXL de tracas et de vicissitudes qui culminent dans Gaza, ainsi qu’on surnomme l’immense bidonville où, dans le plus délétère des climats, croupit une population constituée de clandestins, enfants des rues et autres traîne-misère condamnés à la survie entre système D et trafics en tout genre. «Mais c’est la France ici quand même !» s’exclame un travailleur social, au mitan de la stupeur et de l’indignation, en contemplant le pandémonium que s’emploie désormais à recréer sur scène Alexandre Zeff, autour des deux figures centrales que sont Moïse, un ado abandonné, puis orphelin, et Bruce, crapule locale et figure maléfique, érigée en ange des ténèbres dans lesquels le microcosme s’enfonce inexorablement sur fond de fatum.
Un propos nihiliste, d’une indéniable puissance, qui, singulièrement, doit pourtant lutter pour faire entendre son cri de douleur, dans une transposition théâtrale étonnamment sophistiquée, faisant le choix de la surenchère visuelle et sonore en touillant vidéo, image documentaire et musique live. Au risque de charger une barque qui dérive dans un marigot esthétisant, jonché de détritus et autres éléments disloqués d’un décor partant à l’unisson autant qu’à vau-l’eau.