C’est le propre des très grands récits de parvenir à incarner quelque chose d’universel en partant du très petit, voire de bouleverser avec un sujet morose. Blackport est une série islandaise consacrée aux quotas de pêche. Qui donne pourtant naissance à une série très riche, tout à la fois une tragicomédie, un drame social sordide et grotesque, une farce ouvrière et politique, un teen movie de quadras pour toujours liés par une adolescence partagée, un cold case citoyen, un pamphlet écologique et un appel à la responsabilité démocratique. Une œuvre qui fait tenir en équilibre tous ces registres différents dans une fresque historique observant sur plusieurs décennies les mues d’un village des Westfjords, le nord-ouest sauvage de l’Islande où «on mange poisson, on pense poisson, on parle poisson». C’est l’histoire d’un bled relié au reste du monde par une unique route et qui trouve le moyen de se faire contaminer par la frénésie néolibérale des années Thatcher et Reagan.
Interview
La série s’ouvre en 1983 sur la figure d’un capitaine Haddock angoissant. Formidable pêcheur, le colosse blond Torfi se disloque une fois qu’il a posé pied à terre. Couvert par le maire et sa secrétaire, Jon et Harpa, l’homme est en retard au moment d’apposer sa signature sur un document présenté par des gens importants de Reykjavík. Rien qu’un coup de stylo et le navire obtiendra un des quotas de pêche nouvellement institués, les hommes pourront continuer à prendre la mer tandis que les femmes se