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Hotte line

Coffret de l’intégrale «Columbo», le petit imper des peuples

Le lieutenant culte, intemporel défenseur des plus faibles face aux puissants, est à retrouver dans une intégrale réconfortante et haute def.
Columbo. (Universal)
publié le 9 décembre 2023 à 12h20

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A en croire des articles de presse américains et français (citons le New York Times, le New Yorker, Télérama), Columbo a été, du haut de ses 50 ans bien tassés, un «hit» du confinement de 2020. Des millions de boomers ont-ils été pris d’une soudaine et massive pulsion nostalgique à assouvir ? Pas sûr. Ce sont plutôt des trentenaires ou des quadras rompus à d’autres conventions dramatiques qui racontent comment ils ont trouvé du réconfort auprès du lieutenant de police à l’imper beige incarné de 1968 à 2003 par Peter Falk. A quoi cela tient-il ? Evidemment au personnage lui-même, enquêteur modeste et pacifique, sorte d’exception qui confirme la règle ACAB, «All Cops Are Bastards», que tout – jusqu’à son refus de porter une arme – oppose à la frénésie technologique et aux violences (y compris policières donc) de notre temps. En confrontant cet inspecteur prolétaire à des patrons – parfois les siens – ou des stars nanties qui tuent pour préserver leur capital financier, social ou culturel, Columbo recycle à sa manière un commentaire politique et sociologique intemporel sur la bassesse des puissants et la grandeur des petits.

Un poltergeist

Ajoutons la répétition d’un confortable canevas. Acte I : le meurtre, souvent froid et méthodique, filmé intégralement. Acte II : débarque l’anti-héros mal fagoté, qui se met à harceler le coupable, immédiatement identifié comme tel, à coups d’apparitions surprises dans son jardin, d’interrogatoires pervers (s’extasier devant une toile de maître avant d’aborder un «petit détail qui chiffonne») et, si nécessaire – Acte III – de fabrication de preuves (le criminel se dévoilant en tentant de les faire disparaître). Au bout du supplice surgissent les aveux, formulés parfois d’un simple regard qui signifie : embarquez-moi, la prison me sera plus douce que de vous avoir une seconde de plus dans ma vie. A sa manière, le lieutenant Columbo est un poltergeist.

Les créateurs de la série, Richard Levinson et William Link, disaient avoir puisé leur inspiration dans le personnage de Porphyre Petrovitch, le procureur du Crime et châtiment de Dostoïevski. Face au meurtrier, «il s’agit toujours moins de prouver sa culpabilité que de le conduire à l’admettre lui-même», résume le professeur de philosophie Gilles Vervisch dans le livret qui accompagne cette intégrale (69 épisodes, les deux «pilotes» compris) remastérisée en Blu-Ray, aux couleurs revivifiées. La production soignée et les réalisateurs doués qui se sont succédé (Steven Spielberg, Ben Gazzara, Jonathan Demme…) méritaient bien cette restauration.

Columbo, l’intégrale en haute définition, éd. l’Atelier d’images. 22 disques, env. 90 heures, 135 €.