Menu
Libération
Edito

«L’Affaire d’Outreau» : retracer pour mieux comprendre

Objet hybride entre réalité et fiction, la série diffusée par France 2 s’attache à redonner leur voix à différents protagonistes de l’affaire qui a conduit treize innocents en prison.
La principale pourvoyeuse d’accusations dans l’affaire d’Outreau, Myriam Badaoui, jouée par Ahlam Slama. (0/Agathe VERNET)
publié le 16 janvier 2023 à 21h15

Ne vous attendez surtout pas à des révélations. La série sur l’Affaire d’Outreau n’a pas été conçue dans ce but et c’est paradoxalement ce qui fait sa force. C’est un objet hybride, entre cinéma, série et théâtre, qui entremêle passé et présent, réalité et fiction, pour mieux mettre à distance l’épouvantable crudité des faits. L’interview que nous publions des deux réalisateurs de cette série diffusée à partir de ce mardi sur France 2 montre bien que celle-ci a été longuement pensée, réfléchie, décortiquée, imaginée afin d’éviter toute accusation de voyeurisme. La tragédie d’Outreau, il ne faut pas l’oublier, c’est l’histoire de douze enfants victimes de violences sexuelles et de quatre adultes reconnus coupables, mais aussi celle de treize adultes innocentés après avoir passé trois ans en prison. Trois ans ! C’est donc un des plus grands fiascos judiciaires français avec celui de l’affaire Grégory, qui a aussi fait l’objet d’une série très réussie sur Netflix (le défi pour le service public était de faire au moins aussi bien). Les deux affaires ont en commun d’avoir eu comme personnage central un juge qui n’a pas su garder la distance nécessaire avec la parole des différentes parties prenantes au dossier.

Ce fiasco n’aura pas seulement conduit des innocents en prison, il aura contribué à mettre davantage en doute la parole des victimes de violences sexuelles, et notamment celle des enfants. C’est ce que nous explique le juge Edouard Durand. La parole est donc au cœur de l’Affaire d’Outreau. La parole et l’emballement qu’elle a suscité, un terrible engrenage qui a conduit treize adultes en prison alors qu’ils étaient innocents. D’où l’importance du décor, très présent dans les premiers moments de la série (barre d’immeuble désaffectée, appartement vide, salon décati, chambre d’enfant…) qui installe une atmosphère dans laquelle la parole se détache et prend toute sa force. Une sorte de mise à plat qui permettra, peut-être, de mieux comprendre les moments charnières où la justice s’est égarée.